Puissance thermique d'un moteur-fusée

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas


Je cherchais à comparer la puissance thermique d'un moteur NTR type NERVA (à 4 GW pour le Phoebus-2A, soit presque un EPR) avec celle d'autres moteurs-fusée chimiques. La difficulté, c'est que les moteur-fusées sont rarement caractérisés par leur puissance thermique.

J'ai donc tenté de la manière suivante : si l'on considère les F-1 de la Saturn V, le débit de carburant RP-1 était de ~790 kg/s d'après Wikipedia.D'après Wikipedia encore, le PCS du kérosène est de 46 MJ/kg. Si l'on suppose une combustion de 100% du carburant, alors 36 GJ sont produits chaque seconde, ce qui fait précisément... 36 GW !

Une Saturn V au décollage a 5 de ces engins et aurait donc une puissance 180 GW. Pour mémoire, la France consomme en moyenne ~2TW ~320 GW  d'énergie primaire ; autrement dit, une Saturn V produit l'équivalent en énergie d'un dixième de la moitié de la France pendant ses 2 min 30 s de fonctionnement.

Je savais que les fusées étaient puissants, mais c'est tellement monstrueusement élevé que je doute de ce résultat ; les données d'entrée et le calcul sont-ils correct ?

edit : correction de l'énergie primaire en France


Dernière édition par Eloi le Dim 7 Mai 2017 - 11:31, édité 1 fois
Eloi
Eloi

Messages : 250
Inscrit le : 26/08/2012
Age : 39 Masculin
Localisation : Région lyonnaise

Revenir en haut Aller en bas


En termes de puissance, tes résultats sont exacts, mais en termes d'énergie globale une Saturn V c'est quelques milliers de tonnes d'ergols, un epsilon comparé à l'énergie consommée annuellement par un pays industrialisé comme la France par exemple qui se compte en centaines de millions de tonnes d'équivalent pétrole. Le propre des lanceurs spatiaux est d’utiliser une énergie somme toute modérée, mais durant un temps si court que les puissances sont énormes.

_________________
Les fous ouvrent les voies qu'empruntent ensuite les sages. (Carlo Dossi)
Puissance thermique d'un moteur-fusée 1458782828-discovey2001-terre
Henri
Henri
Modérateur
Modérateur

Messages : 4878
Inscrit le : 22/09/2005
Age : 67 Masculin
Localisation : Strasbourg, France

http://goo.gl/GrrJMb

Revenir en haut Aller en bas


Et avec un rendement malheureusement inférieur à ce qu'on arrive à faire en conversion électrique. Les GW en question ne sont pas autant de watt traduits en quantité de mouvement. :|
Space Opera
Space Opera
Modérateur
Modérateur

Messages : 12333
Inscrit le : 27/11/2005
Age : 51 Masculin
Localisation : France

https://www.forum-conquete-spatiale.fr

Revenir en haut Aller en bas


Henri a écrit:
En termes de puissance, tes résultats sont exacts, mais en termes d'énergie globale une Saturn V c'est quelques milliers de tonnes d'ergols, un epsilon comparé à l'énergie consommée annuellement par un pays industrialisé comme la France par exemple qui se compte en centaines de millions de tonnes d'équivalent pétrole. Le propre des lanceurs spatiaux est d’utiliser une énergie somme toute modérée, mais durant un temps si court que les puissances sont énormes.

Oui c'était bien ce que je voulais dire en écrivant : 1 Saturn V = 1/2 France pendant 2 min 30 s ; désolé si je n'étais pas assez explicite. Et on a le temps de voir venir avant qu'il y ait un lancement toutes les 150 s, soit 200.000 lancements par an :D

Mais admettons que ce soit le cas : le monde consomme annuellement 14 Gtep, soit 5,9E20 J d'énergie primaire soit en moyenne ~18 TW. Autrement dit, consacrer ~1% de la consommation mondiale d'énergie primaire aux lancements spatiaux conduirait en théorie à pouvoir mettre en LEO 70 kt/j, ou encore 25 Mt/an.

Je suis donc bien d'accord que ce n'est pas la dépense énergétique qui limite les lancements spatiaux !

Space Opera a écrit:Et avec un rendement malheureusement inférieur à ce qu'on arrive à faire en conversion électrique. Les GW en question ne sont pas autant de watt traduits en quantité de mouvement. :|

Au niveau de la mer, un moteur F-1 a une vitesse d'éjection v_e de 2,6 km/s et un débit massique de propergol Qm de 2,6 t/s ; la puissance cinétique du jet est donc de : P = 1/2 * Qm * v_e^2 soit 8,6 GW, soit un rendement de conversion thermique => cinétique de 24%.

Cela ne se compare pas si défavorablement avec le rendement thermique => couple mécanique d'un moteur à explosion, qui atteint selon l'IFP au maximum 36%, voire se dégrade en agglomération à 15%.

Je n'ai pas l'impression de comparer des choux et des carottes (mais je peux me tromper) mais le moteur-fusée ne semble pas être une trop mauvaise machine thermodynamique.


Dernière édition par Eloi le Dim 7 Mai 2017 - 11:31, édité 1 fois
Eloi
Eloi

Messages : 250
Inscrit le : 26/08/2012
Age : 39 Masculin
Localisation : Région lyonnaise

Revenir en haut Aller en bas


Un autre calcul d'ordre de grandeur sur l'énergie.

La Saturn V peut transporter 2 hommes sur la Lune et les faire revenir, soit un trajet de 7,6E5 km. Elle pesait au décollage 2950 t dont ~93% d'ergols, soit 2750 t d'ergols. Pour simplifier le calcul, je suppose que l'ensemble fonctionne au RP-1/LOX (et pas au LH2/LOX pour les deuxième et troisième étages) avec un ratio comburant sur carburant de 2.27:1, ce qui donne ~850 t de RP-1. A 42 MJ/kg, cela fait ~4E13 J. Autrement dit, la consommation d'énergie aller-retour est d'environ 25 MJ/passager-km.

Comparons avec une voiture consommant 7,5 L/100 km (moyenne en France en 2014, cf ici) et transportant également 2 personnes. Le PCS de l'essence est de ~35 MJ/L. Le calcul donne donc ~1,3 MJ/passager-km.

Autrement dit, le calcul montre, en ordre de grandeur qu'aller sur la Lune ne consommerait en énergie que ~20 fois plus que se déplacer à 2 en voiture en France aujourd'hui, sur la base d'un indicateur passager-km :hot:

Bon on ne parle pas du prix, là hein :iout:

edit : une autre comparaison : une Formule-1 consomme de 70 à 100 L / 100 km, soit ~10 fois plus qu'une voiture particulière. Pour 1 personne. Soit donc ~20 fois plus qu'un véhicule particulier. En termes purement énergétique et en passager-km, un pilote de Formule-1 consomme autant pour son activité qu'un astronaute allant sur la Lune Super On peut faire dire plein de trucs à des indicateurs comme ça :scratch:

edit 2 : Un camion transportant 25 tonnes consomme ~30 L/100 km, ce qui représente 0,42 MJ/tonne-km. Par ailleurs la Saturn V a permis de déposer un LEM de ~15 t à la surface de la Lune, soit, si l'on reprend le chiffre de ci-dessous d'une dépense énergétique de 40 TJ pour 3,8E5 km, cela représente 7,4 MJ/tonne-km. On retrouve grosso moddo un facteur ~20 de "coût énergétique" en J/tonne-km.


Dernière édition par Eloi le Dim 7 Mai 2017 - 12:16, édité 1 fois
Eloi
Eloi

Messages : 250
Inscrit le : 26/08/2012
Age : 39 Masculin
Localisation : Région lyonnaise

Revenir en haut Aller en bas


Un autre calcul de rendement

Le premier étage S-IC de la Saturn V avait une masse de 2,28 kt et avait pour fonction de lancer 0,67 kt à 67 km et une vitesse de 2,3 km/s. L'énergie potentielle est de 0,44 TJ et l'énergie cinétique de 1,8 TJ pour un total de ~2,2 TJ. Le premier étage a fonctionné 150 s à 180 GW de puissance thermique, soit 27 TJ. Le rendement (thermique => énergie mécanique de la charge utile) du premier étage est alors de ~8%, à comparer aux 24% du rendement (thermique => puissance cinétique du jet).

Autrement dit, l'équation de Tsiolkovski pour une isp de 250 - 300 s (ie l'énergie perdue à accélérer des ergols) + frottements atmosphérique conduit à une diminution du rendement d'une facteur ~3. Je m'attendais à un chiffre beaucoup plus élevé :scratch:
Eloi
Eloi

Messages : 250
Inscrit le : 26/08/2012
Age : 39 Masculin
Localisation : Région lyonnaise

Revenir en haut Aller en bas


Ton calcul sur le rendement par kilomètre est fallacieux, puisque pendant 99.9% du temps de la mission les moteurs ne sont pas allumés, les vaisseaux sont en simple chute gravitationnelle (transferts, orbite, etc). C'est un peu comme dire que la Lune a un excellent moteur parce qu'elle parcourt chaque année des millions de kilomètres autour de la Terre, ou que l'ISS a un excellent rendement thermodynamique puisque depuis ses débuts elle a parcouru des milliards de kilomètre. Ca n'a pas de sens.
C'est pour ça qu'il faut compter en delta-V et non en km parcourus, pour avoir le rendement par m/s. Et là c'est tout de suite moins bon.

Pour le rendement thermodynamique d'une fusée ça tourne autour de 25% en effet. C'est pas dégueulasse mais on fait beaucoup mieux en conversion électrique, d'où le fait que la comparaison n'est qu'au premier ordre avec la consommation électrique française dont tu parlais.
Space Opera
Space Opera
Modérateur
Modérateur

Messages : 12333
Inscrit le : 27/11/2005
Age : 51 Masculin
Localisation : France

https://www.forum-conquete-spatiale.fr

Revenir en haut Aller en bas


Space Opera a écrit:Ton calcul sur le rendement par kilomètre est fallacieux, puisque pendant 99.9% du temps de la mission les moteurs ne sont pas allumés, les vaisseaux sont en simple chute gravitationnelle (transferts, orbite, etc). C'est un peu comme dire que la Lune a un excellent moteur parce qu'elle parcourt chaque année des millions de kilomètres autour de la Terre, ou que l'ISS a un excellent rendement thermodynamique puisque depuis ses débuts elle a parcouru des milliards de kilomètre. Ca n'a pas de sens.
C'est pour ça qu'il faut compter en delta-V et non en km parcourus, pour avoir le rendement par m/s. Et là c'est tout de suite moins bon.

Oui, je suis bien d'accord avec toi dans le fond : il est difficile de trouver beaucoup de sens à ce type d'indicateur, puisque comme tu le dis, dans l'espace, le problème n'est pas la distance en tant que telle mais le delta-v. On peut le sentir également en faisant les mêmes calculs mais pour des destinations différentes :
- en LEO à 400 km, le coût énergétique à la tonne-km sera faramineux ;
- sur Mars, en supposant que l'atmosphère fasse tout le travail pour la capture et le posé, le delta-v est proche du delta-v lunaire et donc le coût énergétique à la tonne-km sera plusieurs ordres de grandeur plus faible.

=> pas très fiable comme calcul, n'est-ce pas ?

Par contre, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ton argument : d'une part, la Lune ne se déplace pas de la Terre à la Lune, ni l'ISS du LEO à la surface de la Terre ; d'autre part l'absence de frottements dans l'espace (et donc le fait que le moteur fonctionne qu'une durée très faible) n'est pas par principe un vice du calcul mais plutôt la transcription du fait qu'il est coûteux de se déplacer sur une longue distance sur Terre du fait des frottements permanents qui n'existent pas dans l'espace.

A l'inverse si l'on faisait un calcul en MJ / (km/s) entre une voiture et une fusée, on négligerait de ce fait ce coût énorme à maintenir cette vitesse sur Terre, par rapport à la même situation dans l'espace

=> difficile de trouver un moyen simple de comparer un trajet en voiture avec un trajet en fusée... à part comparer le prix en dollar du ticket. Les deux sujets sont probablement trop différents.

Space Opera a écrit:
Pour le rendement thermodynamique d'une fusée ça tourne autour de 25% en effet. C'est pas dégueulasse mais on fait beaucoup mieux en conversion électrique, d'où le fait que la comparaison n'est qu'au premier ordre avec la consommation électrique française dont tu parlais.

La consommation française ci-dessous, c'est l'offre d'énergie primaire en France annuelle (donc toutes sources confondues et hors de la lumière gratuite du Soleil) divisée par le nombre de secondes dans un année ; ce ne sont donc pas des GW électriques, puisque avant conversion (et donc perte de rendement) en électricité, lumière, chauffage, mouvement etc... Ils sont donc en principe bien comparables avec les GW de la Saturn V (= énergie primaire dans les deux cas).

La transformation de cette énergie primaire en énergie électrique se fait avec un rendement de 35% pour les réacteurs nucléaires, donc pas si éloigné de notre fusée, et peut monter à 60% pour les cycles combinés de turbines à gaz.

Du coup, une question sans doute stupide, mais bon : pour une application spatiale à faible poussée, peut-on trouver des situations où il y aurait un quelconque intérêt à utiliser une centrale thermodynamique à haut rendement à partir d'ergols pour alimenter un moteur ionique  ? je suppose que comme les ergols brûlés ne peuvent être utilisés comme propulsif du moteur ionique, le coût en masse est probablement prohibitif comparé à de la SEP ou de la NEP.
Eloi
Eloi

Messages : 250
Inscrit le : 26/08/2012
Age : 39 Masculin
Localisation : Région lyonnaise

Revenir en haut Aller en bas

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut

- Sujets similaires

Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum