Lunarjojo Lun 4 Déc 2017 - 11:32
Cette question des vols habités européens est l'équivalent sur le forum du "marronnier" dans la presse: on pose toujours les mêmes questions mais les réponses n'ont pas changé.
Si, dans les années 1960,70 voire 80, l'accès à l'espace habité pouvait avoir des arguments solides, les choses ont changé depuis. Les grandes applications que l'espace pouvait offrir grâce à l'apesanteur sont restées lettre morte. Les merveilleux roulements à bille sans frottement "made in space" se font toujours attendre. Je ne parlerai pas par charité des médicaments extraordinaires qui ne manqueraient pas d'être produits dans les ateliers orbitaux. Lisez un livre des années 1970-80 sur l'exploitation industrielle de l'espace et vous verrez qu'on est très loin du futur annoncé ( par exemple « L’espace, les 100 prochaines années – 1992). Aujourd'hui, plus aucune entreprise n'envisage d'envoyer des astronautes vers l'espace. Les propositions des agences spatiales vers les industriels restent désespérément sans réponse. Les industriels s'intéressent aux applications spatiales (communication, observation) qui se passent fort bien de présence humaine.
Les astronautes, cosmonautes et autres taïkonautes resteront encore longtemps des employés d'agences spatiales nationales ou supranationales (ESA), sur des programmes gouvernementaux ou internationaux, souvent démarrés dans les années 1970 et dont la finalité à du mal à ressortir. Si l'espace habité a été au début un pourvoyeur de nouvelles technologies, cet argument est aujourd'hui à relativiser, les technologies de pointe (informatique, robotique) vivant leur propre vie en dehors du spatial. Pire même: les programmes spatiaux demandent tant d'années qu'une fois la fabrication terminée, la technologie employée est obsolète. Eh oui, on n'est plus dans les années 1960, qui ont vu en une décennie côté américain 3 nouvelles capsules sortir des ateliers....
"A quoi servent les astronautes?", avait écrit Serge Brunier en 2006, livre qui avait valu à son auteur de nombreuses critiques. La question se pose toujours en 2017. Les atermoiements des politiques spatiales américaine et dans un moindre mesure russe montrent à quel point le spatial habité ressemble au sparadrap du capitaine Haddock. S’en débarrasser est politiquement impossible, alors on joue le jeu au minimum. Dans les conditions actuelles, celle qui a vu juste, c’est l’Europe.
Les scientifiques restent pour la plupart opposés aux vols habités, y compris ceux étudiant la planétologie. Ils savent très bien que le vol habité coûte cher, et qu’il se fera au détriment des autres budgets. Les possibilités offertes aujourd’hui par l’automatisation rendent caduques la présence humaine. Ils préfèreront toujours 100 sondes automatiques vers Mars qu’un seul vol habité.
Quant à ceux qui ne jurent qu’à travers les entreprises privées, ils devraient modérer leur ardeur. Même un simple vol suborbital a déjà pris plus d’une dizaine d’années de retard, et les annonces les plus fracassantes sont démenties quelques semaines plus tard. Lorsqu’il faudra rentrer dans le vif du sujet, on en parlera…
Cordialement