Craps a écrit: David L. a écrit:
SpaceX utilisera la Falcon 9 pour lancer des agrégats de petits satellites, en traitant directement avec les opérateurs de satellites au lieu de passer par un intermédiaire comme
Ok.
Merci pour la réponse.
On est donc sur une offre un peu différente de électron (ou prochainement vector )
Si j’ai un sat de 250kg à lancer, je peux réserver un tir électron sur mesure (rien que pour moi) avec la date,l’orbite...qui me vont parfaitement chez électron ou bien partagé un lancement avec d’autres opérateurs de petits satellites chez spaces...
Si j’ai bien compris: le vrai changement se situe surtout sur la suppression d’un intermédiaire (on traité directement avec spacex).
1 - En effet, la suppression d'un intermédiaire est un élément important du changement annoncé.Ce changement s'inscrit dans la philosophie permanente de SpaceX, qui est de maîtriser les chaînes de valeur de ses différentes activités, pour ne pas avoir à partager les marges avec d'autres acteurs.
Par exemple, les fusées Falcon font très peu appel à la sous-traitance. SpaceX pratique l'intégration verticale en amont, pas par rachat de sociétés, mais par acquisition de compétences nouvelles.
La constellation Starlink est une illustration de cette stratégie de développement de la société sur la chaîne de valeur de ses activités, cette fois-ci vers l'aval.
Les dirigeants d'Arianespace ont fait comprendre que ce comportement de SpaceX consistant à devenir le concurrent de ses propres clients était en quelque sorte, de leur point de vue, fort "mal élevé". Mais si ce n'est pas dans les usages, c'est parfaitement légal, à condition de ne pas abuser d'une position dominante au sens du droit de la concurrence.
Toutefois, SpaceX ne peut pas, en l'état actuel des choses, se voir reprocher un abus de position dominante, pour la simple raison que SpaceX ne détient aucune position dominante. En droit de la concurrence, l'analyse des positions, dominantes ou pas, sur un marché, est le préalable à la recherche d'une infraction. S'il n'y a pas de position dominante, le juge, après avoir vérifié ce point, met la plainte à la poubelle, il n'y aura même pas d'enquête pour recherche d'une infraction (sauf évidemment si le grief n'était pas fondé sur le droit de la concurrence, mais sur un autre pan du droit).
Le développement de SpaceX par intégration verticale en amont et en aval sans acquisition de société repose sur l'acquisition de savoir-faire, par la politique des recrutements et par l'expérimentation. C'est parfois très mouvementé, on l'a vu pour Starlink, Musk ayant recruté, licencié, et re-recruté.
Aussi extravagante que cette analyse puisse sembler, ce qui fait la force de SpaceX, ce n'est pas directement sa compétence technique, c'est sa GRH, ce sont en particulier ses méthodes de recrutement et son flair dans les recrutements.
Et cela, Musk le suit personnellement, même s'il délègue un peu plus qu'il y a quelques années. Ce mérite doit lui être reconnu, même si évidemment le corollaire est un management extrêmement exigeant pour les hommes.
Cela peut heurter certains principes, mais que voulez-vous mes amis, pour paraphraser Henri IV qui disait au temps des guerres de religion, après avoir abjuré le protestantisme, que "Paris vaut bien une messe", je pense que "Mars vaut bien une messe", c'est-à-dire ici une exigence d'abnégation et de passion dans l'exercice du métier qui dans toute autre entreprise apparaîtrait comme sectaire et anti-sociale.
Mais revenons à notre affaire de contournement des agrégateurs d'offres de lancement de micro et nano satellites : SpaceX va recruter des gens pour faire cela, c'est-à-dire rechercher des centaines de petits clients en traînant dans les couloirs des universités et des entreprises qui ont besoin d'applications spatiales, en tendant l'oreille près des entreprises qui construisent les micro et nano satellites… Ensuite, SpaceX négociera avec eux sur les délais de lancement, et établira la liste des clients pour chaque lancement, relancera les clients en retard de fabrication, leur infligera des pénalités, aura recours au surbooking pour éviter de faire des lancements de charge totale trop réduite…
A la place de Musk, j'irai débaucher, pour cette activité, des commerciaux d'armateurs portuaires, habitués à négocier avec des chargeurs maritimes, ou des commerciaux des établissements portuaires eux-mêmes, dont le métier est attirer du trafic vers des ports.
Il faut également maîtriser les technologies de séparation de multiples satellites (SpaceX le fait déjà) de réallumage d'étages supérieurs de lanceur, etc.
SpaceX fera cela pour les Falcon, mais aussi pour le Starship, ce qui suppose de changer d'échelle en termes de nombre de clients pour un même lancement.
2 - Mais cette réorientation stratégique de SpaceX est susceptible d'avoir aussi, plus globalement, des conséquences considérables pour l'avenir de l'astronautique.cf. ce que j'ai écrit hier soir sur un autre fil du Forum.
www.forum-conquete-spatiale.fr/t20910p25-dragonfly-drone-helicoptere-sur-titan-2026#456895
L'essor des cubesats ne sera pas limité au proche environnement de la Terre.
Le métier final de SpaceX, c'est celui de transporteur d'innombrables petits produits entre la Terre et les colonies martiennes. Des milliers d'entreprises seront impliquées dans le commerce de ces produits, et SpaceX aura le moment venu le savoir-faire pour être leur interlocuteur pour l'acheminement, en concurrence avec Blue Origin, les transporteurs chinois, indiens, japonais, et je l'espère, européens…
Chaque client, le plus souvent, n'enverra que quelques dizaines de grammes sur Mars, mais il y aura de si nombreux clients que les soutes des Starship des années 2040 transporteront des dizaines de tonnes.
C'est un métier. Il faut l'apprendre et être le premier à le maîtriser. Il y a en fait une sorte de généalogie de plusieurs métiers successifs, métiers apparentés. SpaceX passera de l'un à l'autre. Aujourd'hui lancement de cubesats en orbite terrestre, demain lancement de sachets remplis de graines à mettre dans les soutes du Starship pour les serres martiennes, etc.
Revenons sur la Terre de 2019 : il y a quelqu'un qui ne va pas aimer la décision de SpaceX, c'est Peter Beck le patron de Rocket Lab.
A mon avis c'est aussi un très grand bonhomme et il ne va pas se laisser faire, car même s'il y a de la place sur ce marché en expansion des cubesats, Rocket Lab s'était mise sur cette niche pour en être le leader.
Dans les affaires, la meilleure défense, c'est l'attaque. Je m'attends à un coup de tonnerre à la rentrée 2020 : Rocket Lab, attaquée sur ses plates-bandes, pourrait réagir par exemple en se positionnant sur le marché des gros satellites, avec un nouveau lanceur, ou dans une sorte de stratégie d'alliance avec un grand du spatial.
SpaceX progresse, mais elle entraîne avec elle tout le marché du spatial qui foisonne de talents. Sauf catastrophe climatique ou crise financière, nous allons vivre des années spatiales passionnantes.