Quelques "ailettes", quelques pieds, et une zone d'atterrissage en croix et voilà que le grand public conspue ce projet l'accusant d'être une copie de la F9. Pardonnez-moi mais c'est un raisonnement superficiel.
Le cœur d'un lanceur est plutôt dans son moteur et les choix techniques associés. Hors, là, on est très loin.
La Falcon 9 utilise du RP-1, Amour utilisera du méthane
La Falcon 9 est un lanceur lourd (22,8t en orbite basse), Amour est un lanceur moyen (10-12 tonnes, un peu moins que Soyouz)
La Falcon 9 a un moteur identique pour les deux étages, Amour en aura deux versions de poussées différentes
La Falcon 9 a 9 moteurs pour son premier étage, Amour n'en a que 5
Ce dernier point est absolument fondamental pour appréhender l'architecture des lanceurs d'aujourd'hui. Avec un ratio de 500:110 de poussée entre le premier et le deuxième étage, on s'aperçoit qu'Amour a en comparaison un second étage bien plus important qu'une Falcon 9.
Si l'on doit chercher des clones à la Falcon 9, il faut rechercher les lanceurs bi-étages qui ont ce ratio de 9:1 entre le premier et le second. A ce titre, l'Electron de Rocket Lab est un modèle réduit simplifié de la Falcon 9 : même carburant, même architecture, même ratio de poussée. Seule la réutilisation est enlevée, car jugée inutile pour un mini-lanceur. Et si vraiment vous voulez parler de copie, allez voir du côté de Rocket Factory Augsburg, qui produit la copie conforme de l'Electron. L'Allemagne un pays de copieurs ? Ou de copieurs de copieurs ?
On pourra également évoquer le Spectrum d'Isar, bi-étage aussi, ratio de 9:1 identique. Une première version non-réutilisable pour 1t, une seconde réutilisable dans un second temps à 10t. Cependant le Spectrum utilisera du propane, ce qui est un choix technique à la fois singulier et intéressant.
Le fait est que le marché commercial de demain est en orbite basse. Le fait est que 10t est un choix judicieux pour ce marché, celui des constellations et des lancements groupés. Le fait est que pour l'orbite basse un lanceur bi-étage est le choix là aussi le plus judicieux. Le fait est que le méthane est le carburant le plus pertinent pour la réutilisation (à voir pour le propane).
Alors doit-on reprocher à Amour d'être un lanceur bi-étage de 10t réutilisable et méthalox ? Assurément non.
Alors oui, la communication des russes a été foireuse. Roscosmos a fait preuve de naïveté dans ses illustrations, puis de susceptibilité faces aux remarques, pour finalement bouder plutôt que d'expliquer et d'assumer. La Russie paie aussi son retournement de veste après des années à dénigrer les choix de SpaceX. Ceci dit en France nos hiérarques d'ArianeGroup étaient exactement sur la même ligne, alors...
Je laisserai les ingénieurs russes travailler, en leur souhaitant bonne chance, même si moi aussi j'ai appris à prendre avec des pincettes toutes déclaration russes concernant un nouveau lanceurs tant les développements de la génération précédente, Angara + Soyouz 5, sont laborieux. A voir aussi si la Russie sera en mesure de capter une part du marché commercial mondial pour justifier la réutilisabilité, ce qui sera un défi tant financier que géopolitique, ses besoins intérieurs ne justifiant pas à eux seuls d'avoir un lanceur réutilisable de cette nature.