Bip a écrit:Bonjour,
Quelques scientifiques avaient écarté d'un revers de main l'idée d'une contamination de Vénus par la Terre, mais voila que d'autres trouvent cela assez probable :
https://www.space.com/venus-life-earth-grazing-asteroid
Prenant l'exemple du bolide de 2017 traversant le ciel australien sans s'écraser, ils estiment que des centaines de milliers de ces cailloux ont pu en faire autant PUIS atteindre Vénus pendant les 3 derniers milliards d'années, en ramassant des microbes dans l'air terrien.
Ou bien le sens inverse quand Vénus n'était pas encore infernale...
Il serait alors presque impossible de prouver une "seconde genèse".
Je trouve ces travaux extrêmement intéressants et innovants.
Pour ma part, depuis des années, j'ai toujours eu l'intuition que le processus de l'
apparition de la vie était beaucoup trop complexe pour que la Terre en ait été le seul cadre. Les premiers assemblages des briques de la vie sont a priori tellement improbables qu'il faut peut-être que l'univers tout entier ait été le laboratoire où en de très rares endroits ce phénomène s'est produit, avant de se diffuser.
En même temps, la panspermie
interstellaire est un sujet trop spéculatif pour que l'on puisse aller loin dans son étude. C'est une hypothèse, qui ne peut être ni réfutée ni confirmée, faute de disposer de matériaux d'observation.
En revanche, j'ai toujours été intrigué par le silence des scientifiques sur l'hypothèse d'un
développement multiplanétaire de la vie à l'intérieur d'un même système stellaire. Car, sur ce sujet, on peut avoir de véritables stratégies d'observation et de recherche.
Ne confondons pas les deux sujets, ils sont relativement indépendants l'un de l'autre. Apparition et développement de la vie sont deux sujets liés, mais distincts.
J'ai tendance à penser que, comme en d'autres époques, sur d'autres sujets (la Terre centre de l'Univers, l'évolution des espèces, l'inconscient de l'être humain jusqu'à Galilée, Darwin, Freud...) les scientifiques ont été empêchés par des interdits culturels ou religieux de développer des analyses rationnelles sur ce sujet du possible développement multiplanétaire de la vie dans le système solaire.
A moins que ce blocage intellectuel ne soit causé par des stratégies pour récupérer des financements de travaux de recherche... Ou par la volonté de minimiser la problématique éthique de l'exploration spatiale dans le système solaire.
Car il faut être sérieux : tout le monde sait, depuis l'affaire des analyses de la météorite martienne ALH 84001 en 1996 que les scientifiques pensent que des traces de vie peuvent passer d'une planète à l'autre dans le système solaire via des météorites. Certes, en 1996, on cherchait des traces fossilisées de vie, et non la vie elle-même. Mais depuis, des expériences menées notamment dans l'ISS (cf. les propos d'un d'entre nous sur un autre fil, selon lesquels l'ISS n'a jamais produit de résultats scientifiques intéressants; voilà une réfutation !) ont montré que la vie avait une formidable résilience, même dans le vide, et que rien a priori n'empêchait des spores de passer d'une planète à l'autre. Pas de certitude, certes, mais une forte probabilité...
Alors pourquoi les hypothèses sur l'histoire de la vie terrestre que nous connaissons n'ont-elles jamais fait l'objet d'une refonte d'ensemble à la lumière de cette présomption de transférabilité de la vie d'une planète du système solaire à l'autre ?
Je m'explique en mentionnant quelques aspects du sujet. En 2010, des travaux ont révélé que des fossiles d'organismes multicellulaires de 2,1 milliards d'années avaient été découverts au Gabon. C'est ce que l'on appelle le groupe fossile de Franceville, beaucoup plus ancien que la vie issue de "l'explosion" du Cambrien il y a environ 540 millions d'années, et même que celle de la faune d'Ediacara, il y a plus de 600 millions d'années.
Entre l'époque de la faune de Franceville et celle d'Ediacara, deux événements terribles se sont produits sur Terre : des hyperglaciations qui ont conduit au phénomène dit de "la Terre boule de neige", les calottes polaires grossissant démesurément pour se rejoindre à l'équateur.
La vie monocellulaire n'a pas disparu, mais la vie multicellulaire de la faune de Franceville s'est probablement définitivement éteinte.
Je suis surpris qu'il y ait eu si peu de travaux sur un sujet aussi énorme : ce qu'il s'est passé à cette époque est différent des extinctions qui ont eu lieu plus tard, par exemple, la catastrophe du Permien ou celle du Jurassique/Crétacé. Lors des extinctions du dernier demi-milliard d'années, une partie des espèces subsistaient sur Terre, mais lors des hyperglaciations, ou en conséquence d'autres cataclysmes plus anciens, la faune de Libreville semble avoir complètement disparu, à 100%. Alors pourquoi la vie multicellulaire terrestre est-elle réapparue ?
Une hypothèse à considérer est à mon avis que lorsqu'un cataclysme absolu frappait l'une des trois planètes, Vénus, la Terre, ou Mars, la vie se réfugiait en quelque sorte sur une des deux autres, ou sur les deux autres, avant de se rediffuser sur les trois.Par ailleurs, sachant qu'il est établi que chaque espèce vivante est en symbiose avec des microorganismes qui ont une influence sur son évolution, les échanges de bactéries entre les trois planètes ont peut-être joué un rôle à certaines étapes de l'histoire des espèces. Ils auraient pu être parfois des catalyseurs de l'évolution.Le processus de complexification de la vie terrestre de la bactérie jusqu'à l'homme n'aurait peut-être pas pu aboutir si la vie terrestre n'avait pas eu une sorte d'Hinterland sur Mars et sur Vénus. Je pense qu'il y a une résistance mentale irrationnelle qui s'oppose à l'acceptation de cette idée que la vie dans son essence même et dans son développement n'est pas planétaire, mais interplanétaire dans le cadre d'un système stellaire.
Ce n'est pas facile culturellement, psychologiquement, d'abandonner l'idée que Mars et Vénus (ou plus exactement, depuis l'emballement de l'effet de serre sur Vénus, sa seule atmosphère) ne sont pas des mondes stériles à conquérir, mais des composantes de
notre éco-système à respecter et préserver, parce qu'ils ont contribué à nous faire naître.
Je pense aussi que beaucoup de chercheurs sont, pour des raisons d'origine religieuse, ou par délire prométhéen, dans l'idée que l'exobiologie dans le système solaire va répondre à la question philosophique de la possibilité de l'existence d'une vie autre que celle dont nous sommes issus. (
NB : le terme même d'exobiologie est contestable, car il répond à la question avant même que celle-ci ait été posée ; et bien non, la biologie dans le système solaire n'est pas forcément de l'exobiologie).
La majorité des chercheurs se disent peut-être qu'il faut noyer le poisson pour obtenir des crédits, notamment du Congrès américain, dont les choix sont imprégnés de religiosité. Ne dit-on pas que le Congrès a financé le télescope Hubble parce que la NASA lui avait promis qu'il permettrait de voir "la main du créateur". De la même façon, on fait croire au Congrès américain que l'on recherche la vie sur Mars pour voir si la vie peut apparaître ailleurs que sur Terre, et pour ce faisant aussi se rapprocher de la "main du créateur", alors que les scientifiques se doutent probablement depuis longtemps que la vie martienne n'est qu'un rameau de l'arbre de la vie dont la branche principale est aujourd'hui sur la Terre.
Il faut que les chercheurs assument ce qui me semble être une quasi-évidence : ce n'est pas dans le système solaire, très probablement, qu'ils auront la réponse à cette question de l'origine de la vie, car la vie dans le système solaire est probablement "une et indivisible", et l'on n'aura pas, sur Mars ou sur Vénus, un deuxième exemple de passage de l'inerte au vivant. Il faudra chercher beaucoup plus loin, et comme on ne peut pas aller dans les autres systèmes stellaires durant ce siècle, ce sera une recherche à distance, avec toutes les incertitudes que cela comporte, sauf, bien sûr, si nous recevions des messages structurés venant d'une autre civilisation. On n'en est pas là.
Même SpaceX avec son slogan est dans l'imprécision : "rendre la vie multiplanétaire" n'est pas la bonne formulation, car, cher Elon Musk, il y a toute les raisons de considérer que la vie dans notre système solaire a toujours été multiplanétaire. L'ambition à affirmer, c'est qu'il faut rendre la vie
humaine multiplanétaire. Mais du coup, le sens de cette ambition change : l'installation sur Mars n'est pas une quête prométhéenne, mais une évolution naturelle et d'une certaine façon un retour aux sources. Le "berceau" n'est pas là où Tsiolkovski le croyait. Pour sortir vraiment du berceau, il faudra aller beaucoup plus loin que Mars.
En tout cas, merci à la planète Mars, merci à la planète Vénus, car si elles n'avaient pas existé, si la Terre avait été seule dans le système solaire, bien que la Terre soit dans la zone d'habitabilité, l'homme ne serait probablement pas apparu, et nous ne serions pas en train d'échanger des réflexions sur le FCS.
Quand nous levons les yeux la nuit vers le ciel, pour contempler Mars et Vénus, il faudra peut-être songer que nous portons dans notre génome des traces venant de ces points lumineux. Nous ne sommes peut-être pas de purs terriens, mais des terro-martio-vénusiens.
L'intérêt de ce sujet n'est pas purement historique : dans la stratégie SETI, de recherche des espèces intelligentes soeurs qui peut-être existent dans la galaxie, il faut probablement privilégier les systèmes planétaires où gravitent plusieurs planètes dans et aux confins de la zone d'habitabilité. Les planètes esseulées, même placées dans un environnement idéal pour la vie, finissent peut-être par connaître des cataclysmes qui font que la vie s'éteint totalement ou partiellement, en rebondissant parfois, mais trop tardivement ou faiblement pour se complexifier avant le cataclysme suivant.
Bien entendu, je ne suis pas un chercheur, mais je subodore que cette problématique de recherche sur la vie multiplanétaire a été mise sous le boisseau pour des raisons pas très avouables.
Je pense surtout que si l'existence de la vie dans l'atmosphère de Vénus était établie, et si cette vie s'avérait avoir des traits communs avec la vie terrestre la rattachant au même arbre de vie, il serait impossible de se soustraire à cette réflexion sur la globalité du développement de la vie dans le système solaire.
C'est d'ailleurs pour cela que j'en parle aujourd'hui, car je m'attends à ce que cette idée devienne très banale d'ici à cinq ans.