Mon point ici est : en admettant que la partie technologique soit maîtrisée, quels sont les obstacles non technologiques à la fabrication et au lancement d'un vaisseau inter-stellaire basé sur une propulsion par bombes nucléaires, et quelles mesures pourraient être mises en place pour les dépasser.
Pourquoi la question ? Parce qu'à aujourd'hui, c'est la seule technologie pouvant être mise en oeuvre sans avancée technologique majeure qui permet à un vaisseau d'atteindre des vitesses de l'ordre de 0.Xc dans un délai raisonnable, et qui donc permettrait d'atteindre au moins Alpha du Centaure au cours de notre vie. (n'hésitez pas à me corriger si je me trompe !)
En écrivant "en admettant que la partie technologique soit maîtrisée", je sous-entends par exemple que les personnes qui travaillent sur Icarus puissent affirmer en 2014 à l'issue de leur étude qu'ils ont un bon niveau de certitude que la proposition technologique qu'ils font fonctionnera, et qu'on se décide à ce moment-là de se lancer dans la construction de ce vaisseau.
Et par "vaisseau inter-stellaire", je fais référence pour le moment à une sonde automatisée.
En lisant l'article sur Orion dans Wikipédia, je vois principalement trois obstacles : le traité d'interdiction des essais nucléaires, le coût de la mise en oeuvre d'un tel projet, et l'obtention du carburant.
le traité d'interdiction des essais nucléaires
En admettant que la législation ne change pas dans un futur proche (ce qu'il est raisonnable de penser), et comme le rapport bénéfice / risque à mener un tel projet en Iran ou en Corée du Nord n'est pas favorable, il n'est pas réaliste de prévoir un lancement depuis la surface de la Terre.
Dans la mesure où l'ascenseur spatial est encore loin d'être concrétisé, et que quoi qu'il en soit il y aurait le risque des ondes électromagnétiques générées par les explosions pour les satellites du voisinage, l'orbite terrestre m'apparaît aussi à exclure.
Il reste donc deux points de lancement raisonnables : la Lune (le moins cher), et un astéroïde.
La Lune présente l'intérêt de se trouver en permanence à courte distance de la Terre, de ne pas être soumise au traité d'interdiction des essais nucléaires, de ne pas avoir d'environnement qui pourrait pâtir de l'explosion de quelques bombes A ou H à sa surface, et de disposer de larges ressources minérales qui pourraient être exploitées pour construire le vaisseau. Ses inconvénients, c'est qu'il est probable qu'au moment où un tel projet se concrétisera que l'activité humaine et robotique à sa surface se soit considérablement intensifiée, et qu'on se retrouve face aux mêmes inconvénients qu'un lancement depuis la terre : retombées nucléaires et ondes électromagnétiques.
Un astéroïde présenterait l'intérêt, en plus de ceux de la Lune (sauf "courte distance en permanence"), de pouvoir être dédié à ce projet : le problème des retombées et des ondes électromagnétiques serait alors dépassé.
le coût du projet
[j'avais commencé en me basant sur le coût de 0,1% du PIB US 1968 indiqué dans l'article Wikipedia, ce qui représenterait en $ actuallisés environ 2400 milliards de dollars aujourd'hui, mais en fait c'est la valeur pour un vaisseau Orion immense, de 100m de diamètre, qui transporterait des humains. Je me rends donc compte que je n'ai aucune donnée sur le coût d'une sonde automatisée utilisant ce système de propulsion - quelqu'un est assez familier avec Icarus pour donner un ordre de grandeur ? Je laisse quand même ci-dessous les considérations d'ordre général]
Le retour sur investissement pour une entreprise d'une sonde envoyée dans un autre système solaire pour y faire de la recherche scientifique étant de 0, le financement de ce montant devrait venir intégralement des Etats et/ou de particuliers (potentiellement via des fondations).
L'implication des Etats me semble essentielle, puisque sans leur participation l'obtention des matières fissiles nécessaires serait un vrai casse-tête. Ils pourraient de plus mettre à disposition des ressources humaines qualifiées importantes, par exemple en France via le CEA. La participation de l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) aiderait aussi beaucoup.
obtention du carburant
Ce n'est pas ici tellement le prix qui est important mais les modalités de transfert de matière fissile (du plutonium par exemple) depuis des Etats vers l'organisation qui serait en charge. On ne prend pas en effet en compte la possibilité que d'ici la mise en place de ce projet on ait réussi à développer le fonctionnement d'une bombe à pure fusion (sans bombe A pour l'amorçage).
Afin de s'assurer de la transparence de cette organisation, il faudrait qu'elle soit affiliée à l'ONU et que son conseil d'administration soit composé de représentants des différents pays participants. Une tutelle de l'AIEA aiderait aussi à renforcer son pedigree. Pour compléter cela, il faudrait une transparence complète sur les procédures utilisées pour maintenir la sécurité des carburants obtenus par l'organisation. Donc dans le cadre d'une coopération internationale (ce qui se passe déjà sur le réacteur ITER par exemple, avec l'avantage pour ce dernier d'avoir des retombées économiques potentielles évidentes), on peut envisager d'obtenir le carburant nécessaire.
Chacun des obstacles mériterait son propre thread, mais avant d'en arriver là je pense qu'un "reality check" s'impose. Que pensez-vous des obstacles mis en avant et de la façon dont je les traite ? Est-ce que je suis en train de réinventer la roue par rapport à un travail prospectif qui aurait déjà été fait sur ce forum ou ailleurs ?