Je vous livre ma vision (qui n'engage que moi) du bilan russe.
La Russie a réalisé cette année 29 lancements orbitaux, en comptant les trois Soyouz-ST. Ces 29 lancements se répartissent comme suit :
- 9 tirs réalisés dans le cadre de l'ISS (dont un échec)
- 8 tirs commerciaux (dont un échec)
- 7 lancements militaires (dont un échec)
- 5 lancements de satellites civils
Aspect négatif
Comme on vient de le voir, trois échecs cette année (MexSat-1, Progress M-27M, Kanopouss-ST). Les trois principaux domaines (commerce, vols habités et militaires) sont touchés.
Quantitativement, 29 lancements c'est moins que les années précédentes (38 en 2014, 35 en 2013). Cela s'explique par le faible nombre de lancements commerciaux de Proton-M (seulement 4) non compensé par les tirs institutionnels. De la même façon, les tirs de Soyouz pour les besoins commerciaux et pour l'ISS sont restés globalement stables, mais le nombre de tirs pour Roscosmos (hors VH) ou pour l'armée a diminué (5 en 2015, contre 9 en 2014).
Aspect positif
Les échecs de 2015 sont moins inquiétants que d'autres rencontrés précédemment. Le dernier échec dû à la qualité d'une Proton-M remonte à juillet 2013. Depuis, il y a eu deux échecs (dont celui de cette année), mais ils étaient tous les deux dus au même défaut de conception. Ce défaut étant réglé, et les problèmes de qualité semblant avoir été éradiqués (je dis bien semblant), on peut être confiants quant à l'avenir de Proton-M.
De la même façon, l'échec de Soyouz-2.1a avec Progress M-27M était dû à un défaut de conception, qui a été requalifié avec le lancement de Progress MS-01. L'échec de la séparation de Kanopouss-ST a quand même permis de valider le lanceur léger Soyouz-2.1v pour son deuxième vol.
On aborde donc 2016 avec une flotte de lanceurs russes qui semblent avoir regagné en fiabilité, même si cela ne s'est pas encore vu sur les résultats 2015. Je pense qu'on a de bonnes raisons d'être confiants.
Le nouveau programme spatial
L'événement de l'année en Russie ne venait pas des cosmodromes, mais de Moscou. Je parle de la validation du nouveau programme spatial décennal (FKP 2016-2025). Il devait être initialement de 2000 milliards de roubles, mais a été réduit à 1400 milliards suite aux problèmes économiques du pays. Les satellites d'application ont été conservés, ainsi que les sondes lunaires et les grands observatoires orbitaux. Le programme PTK NP est maintenu, mais avancera moins vite que prévu initialement (objectif : premier vol circumlunaire habité en 2025).
Le cosmodrome de Vostotchnyi, qui devrait progressivement remplacer Baïkonour, devait voir son premier vol en décembre 2015. Ce sera plutôt en avril 2016, voire un peu après. Personnellement, je considère ceci comme une bonne nouvelle. Le Président Poutine l'a dit lui-même : cela ne sert à rien de s'accrocher à des objectifs arbitraires pour satisfaire tel ou tel chef, il faut se fixer des objectifs réalistes qui permettent un travail de qualité.
Quatre ou six mois de retard, pour un projet comme Vostotchnyi, ce n'est rien du tout (ceux d'entre nous qui habitent près de Flamanville doivent savoir de quoi je parle). C'est donc, selon moi, une bonne nouvelle que les Russes apprennent à accepter de petits glissements, plutôt que de s'entêter comme au temps de l'URSS à satisfaire des promesses carriéristes. De toute façon, le deuxième vol depuis Vostotchnyi n'est pas prévu avant 2017. Donc, que le premier ait lieu en décembre 2015 ou en décembre 2016, ça ne change au final pas grand chose.
Le projet prometteur du nouveau FKP dans le domaine des lanceurs, c'est bien le projet Feniks de "Soyouz à méthane", qui pourrait devenir une petite révolution dans ce domaine.
Les satellites
Cette année, ils ont lancé trois satellites de conception nouvelle : Bars-M (cartographie), Toundra (alerte avancée) et Kanopouss-ST (surveillane océanique). Cela montre un réel renouveau dans ce domaine. De plus, ils ont également lancé un Persona (observation de la Terre), un Elektro-L (météo) et un Garpounn (relais), qui sont également des satellites très récents.
On entre donc bien dans une nouvelle phase de l'histoire des satellites russes. Dans les années 1990, ils ne faisaient que lancer des vieux exemplaires construits du temps de l'URSS. Dans les années 2000, ils ont produit des versions améliorées de ces derniers. Dans les années 2010, ils conçoivent des engins entièrement nouveaux aux capacités équivalentes aux satellites occidentaux.
Cette "renaissance" ne se fait toutefois pas sans mal. La Russie perdu quatre satellites en orbite en 2015 : AMOS 5, EgyptSat-2, Vernov et Kondor. Ils ont été développé par quatre entreprises différentes (respectivement ISS Rechetniov, RKK Energuia, NPO Lavotchkine et NPO Machinostroïenia), ce qui ne permet pas d'en identifier une comme étant particulièrement fautive. Ce pays est réellement en train d'apprendre à faire des satellites, en partant quasiment de zéro, et les échecs sont donc inévitables.
Vols habités
Premier vol cette année du Progress MS, dont les systèmes modernisés servent à préparer le PTK NP. A part ça, rien de bien nouveau. La ronde des Soyouz se poursuit. Un Progress M-M a été perdu, justement en voulant tester le lanceur Soyouz-2.1a qui servira au Progress MS. Défaut de conception maintenant résolu.
On ne sait pas si les futurs modules (Nauka, NEM) seront lancés ou seront sacrifiés sur l'autel du PTK NP.