nikolai39 a écrit: PierredeSedna a écrit:De belles photos qui annoncent une nouvelle étape passionnante de la conquête spatiale.
Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment une étape, ni qu'elle soit nouvelle, ni qu'elle soit passionnante.
Il ne faut pas oublier que tous ces vaisseaux ne feront rien de plus qu'un Soyouz.
La vraie "nouvelle étape", ce sera quand Orion volera.
Mustard a écrit:Ce n'est certes pas une étape technologique, sur la forme, mais la force de ce retour ce sera la capacité, avec deux capsules de 7 places, de transporter beaucoup du monde en orbite. Et l'arrêt de l'une d'elle à cause d'un accident n’arrêtera pas l'autre qui est totalement différente, cela garantira à l'Amérique un accès assuré à l'espace.
Sur le fond, effectivement Orion sera plus une évolution, avec des missions vraiment plus orientées vers l'exploration et à priori vers la Lune.
L’étape qui commence avec les capsules Dragon Crew et CST-100 Starliner n’enlèvera rien à la gloire du Soyouz.
Je suis personnellement convaincu que l’astronautique soviétique était assise sur des bases plus saines que l’astronautique américaine. L’astronautique soviétique, c’était le génie et l’ingéniosité avec peu de moyens. L’impétuosité de l’âme russe et la puissance de l’Etat multinational institué en 1924 compensant le déficit en technologie électronique...
Il y a une forme d’élégance et de pureté dans le lanceur et le vaisseau Soyouz, pureté qui n’a d'équivalent nulle part aillleurs : pas un gramme de technologie inutile, redondante, insolente... Ceci permettant une relation directe, plus intense, pleine d'émotion, entre l’homme et le cosmos. La Russie est une nation de passionnés et de poètes, parfois aussi de possédés et d’extrémistes.
L’URSS a perdu la course à la Lune mais en 1988, avec Mir, Energia, Bourane, elle avait un potentiel qui devait lui permettre d’arriver la première sur Mars.
Mais voilà, l’Union Soviétique a disparu il y a vingt-sept ans. Le système politique et économique mis en place par la Russie en 1917 et exporté aux alentours n’était pas viable. Sa chute a entraîné celle du joyau de l’empire, à savoir l’espace russe, qui était une incontestable réussite, et dont la dynamique interne était profondément saine. Un sous-système parfait a été presque détruit par l’effondrement du système plus large qui le contenait et qui lui, était profondément vicié. Il y a dans ce terrible dommage collatéral quelque chose de profondément injuste. Mais il faut savoir achever son travail de deuil.
Par ailleurs, la justesse des solutions techniques imaginées par le génial Korolev, ses équipes et ses rivaux, les autres « constructeurs », était telle que le Soyouz et les modules dérivés de Saliout et Mir ont survécu.
Bien plus, le Soyouz est apparu comme un moyen plus efficace pour le transport d'équipages vers une station en orbite terrestre que la navette spatiale américaine, rêve ultra-technologique qui avait échappé à ses concepteurs pour devenir un gouffre financier et une pompe à fric directe et indirecte pour les entreprises du Old Space américain.
Cette fonction de roue de secours d’une astronautique américaine empêtrée dans ses contradictions n’était certainement pas l’avenir que Korolev imaginait pour le Soyouz. Mort au début de 1966, Korolev ne vit même pas les premiers vols du vaisseau. Mais quel triomphe posthume et différé !
Le Soyouz qui vole aujourd’hui est certes un Soyouz modernisé, mais son architecture de base est restée celle conçue au milieu des années 1960. Et cette approche reste efficace, cinquante ans plus tard.
Mais il n’est rien en ce bas monde qui n’ait une fin. La fin de quelque chose qui fut un grand et long succès n’efface pas les années de gloire. Mais la vie continue. Dans dix ans, nous vivrons dans un monde sans Soyouz. Il faut s’y préparer.
Le programme ISS (non compté le temps de préparation) se déroule sur 25 ans. Les deux vaisseaux Dragon Crew et CST-100 Starliner ne desserviront l’ISS que sur les cinq dernières années. Oui, cela peut apparaître court. Je pense que c’est principalement cela que voulait souligner Nicolaï39.
Mais précisément, ces nouveaux vaisseaux n’ont de sens qu’en tant qu’ils préparent aussi et surtout l’après ISS.
Ces vaisseaux permettent à une pluralité de nouveaux acteurs du spatial américain d’acquérir une expérience des vols habités. C’est après l’ISS que Boeing et surtout SpaceX pourront faire fructifier tout ce travail dans le cadre de nouveaux programmes privés ou publics spectaculaires et audacieux qui avec retard feront enfin entrer l’astronautique dans le XXIème siècle.
Quant à Orion, que peut-on en dire ? C’est un très beau projet, mais qui est hélas pour le moment indissociable du projet de lanceur SLS, et donc qui risque de disparaître avec celui-ci.
Le premier vol habité d’Orion est prévu pour 2022, mais sera probablement décalé. La fonction utile du programme SLS - Orion est d’immobiliser des crédits dans les budgets de la NASA pendant cinq ans, et d'éviter ainsi une baisse du budget total de la NASA, qui serait dangereuse pour le long terme.
Orion n’a d’avenir que s’il est transféré sur la New Glenn et la New Armstrong de Blue Origin, mais c’est une pure hypothèse, je n’ai rien vu de tel se dessiner à ce stade.
A quoi serviront le SLS et Orion si le BFR/BFS réussit son premier vol en 2023 ? Et si Blue Origin décide de faire sa propre capsule spatiale orbitale ?
Orion a déjà volé sans équipage en 2014, mais la carrière d’Orion dans sa version habitée risque d’être aussi courte que celle de Voskhod...
Orion et le SLS sont développés dans le cadre des marchés traditionnels de la NASA, qui n’ont jamais fonctionné correctement : dérives financières, dérapages des calendriers, dilution des responsabilités, absence d’unité de conception...
En revanche, les partenariats publics - privés de la NASA garantissent que le patron de l’entreprise spatiale détient la responsabilité sur l’achitecture globale du projet, sur son enveloppe financière, sur son calendrier. Cela n’évite pas tous les retards, mais aboutit à ce que le fournisseur n’ait pas intérêt aux retards, comme dans l’ancien système. Quand SpaceX est en retard, elle est perdante sur tous les plans, et Elon Musk sait qu’il en est tenu pour responsable. C’est efficace !
D’une certaine façon, ces partenariats public - privé donnent à des entrepreneurs tels qu’Elon Musk des responsabilités comparables à celles des « constructeurs » de l’époque soviétique. Et c’est pour cela que le New Space va marcher.
Le BFR/BFS conçu avec des enveloppes financières très limitées ne donnera lieu à aucune « débauche technologique » inutile. Chaque sous-système répondra à une utilité précise alors que dans le cadre des anciens marchés de la NASA, l’adjonction des sous-systèmes visait à « faire de la marge » avec des fausses utilités alibis qui bernaient les fonctionnaires de la NASA.
(La meilleure définition du Old Space, au fond, c’est du spatial alourdi par « de la mauvaise graisse ». Soit dit en passant, l’astronautique russe n’a pas besoin d’une étape New Space, car elle n’a jamais été touchée par le phénomène de la mauvaise graisse.)
Enfant du New Space, le BFR/BFS sera un vaisseau aussi élégant et épuré que le Soyouz, mais il correspondra aux besoins de l'astronautique de notre nouveau siècle.
Et sans le transfert de savoir-faire de la NASA vers SpaceX que permet le programme Dragon Crew, il ne saurait y avoir de BFR/BFS à l’horizon 2023.
Voilà pourquoi les annonces faites vendredi concernant les prochains vols commerciaux habités américains sont les meilleures nouvelles que nous pouvions espérer sur le spatial d’Outre-Atlantique...