spacemen1969 a écrit:Nous avons fêté hier les 50 ans de la présentation à la presse des astronautes Mercury.
Nous fêtons les 40 ans d'Apollo 11 dans quelques semaines
Je sais que parmi tous nos membres, certains ont connu ces moments historiques et les autres entre.
Certains ont abordé le thème dans certains posts, mais aucun, me semble t-il, n'a raconté exactement ce qu'il avait ressenti à ce moment-là.
J'adorerai savoir, quels ont été vos sentiments à l'annonce que la NASA avait sélectionné 7 astronautes pour les envoyer dans l'espace.
Ce que vous avez ressenti, au décollage d'Apollo 11, à l'alunissage, lorsque Armstrong a marché sur la Lune, etc... Y avait-il une ambiance particulière à la maison, dans la rue, etc....
On se focalise souvent sur les souvenirs de ceux qui ont vécu ces moments là de l'intérieur, mais on oublie, le passionné, ou le simple citoyen. Et leur(s) histoire(s) sont parfois aussi passionnantes.
Peut-être, que lorsque ces évènements seront passés, on pourra fairte une compilation de ces souvenirs.
N'étant pas né, à ces moments-là, je ne peux donc me lancer ;)
Bonjour à tous.
Comment parler de l’émotion soulevée par le Spoutnik, cet événement extraordinaire ?
Comment parler du choc du premier homme dans l’espace nous ouvrant la route des étoiles ?
Comment parler de cette longue nuit d’attente de l’homme sur la Lune, de cette émotion ressentie lors de cet événement exceptionnel ?
Que dire sur tous ces faits ? Qu’est-ce que l’on doit en retenir ? Faut-il uniquement rester sur le registre de l’émotion où bien faut-il donner le maximum de détails ?
Tous ces événements majeurs que j’ai suivis avec une passion jamais rassasiée ont jalonné ma vie.
Je m’étonne aujourd’hui qu’il y ait des plus jeunes que moi qui puisse se passionner autant pour Apollo. Puis en les lisant à travers le forum, je les comprends mieux et je leur donne raison.
Les souvenirs de mon propre vécu remonte à la pelle. Car nombreuses ont été les émotions ressenties lors de chacune des expériences spatiales tant habitées que non habitées. Aujourd’hui je suis toujours avec le même enthousiasme les choses du ciel. Cassini, Messenger, etc… et toutes les autres sondes planétaires éveillent toujours ma soif de connaissance. Les sondes scientifiques qui surveillent et explorent l’univers éveillent toujours mon intérêt pour les mystères du cosmos. J’espère encore malgré mon âge pouvoir assister à la présence de l’homme sur les autres planètes, et je ne désespère pas de voir la rencontre ou l’observation d’autres vies dans l’univers.
Au tout début, je suivais l’actualité tous les jours à travers mon poste à transistor, les journaux et les revues depuis 1953, c’était bien avant Spoutnik-1. A cette époque les faits spatiaux concernaient les vols de fusées-sondes tels que ceux de Véronique. Avec la télévision acquise dès 1954, je pouvais voir l’actualité du 20h lorsque que mes parents me le permettaient. La grande majorité des français n’avaient que la radio dans ces années là, ils ne devaient y avoir que quelques centaines de milliers de télévision dans toute la France.
En septembre 1957, j’étais pensionnaire du côté de Trévoux, dans l’Ain. Et l’un nos professeurs nous avaient fait un exposé sur le ciel, les planètes et les étoiles. A 12 ans j’avais lu les deux livres de Jules Verne et je croyais qu’il était possible que l’homme puisse aller dans la Lune. Certains camarades se sont moqués de ce que je pensais, et l’un d’eux par contre m’a soutenu en disant que des hommes avaient marché sur la Lune. Lui il avait lu d’autres récits que je ne connaissait pas.
Bref l’événement Spoutnik est tombé quelques semaines plus tard. Un autre de mes camarades s’évertuait à construire un poste à galène, à l’aide de bobines, de fils de cuivre, et d’un fer à souder. Il recherchait à capter de la musique car nous n’avions pas le droit d’avoir la radio. Et il est tombé sur un bruit bizarre, très répétitif, et nous avons supposé entendre le "bip bip" du Spoutnik. Ce signal n’a duré que quelque temps puis il a cessé définitivement après deux ou trois semaines. Nous l’écoutions tous les jours en rêvant à l’homme dans les étoiles.
Nous avons eu droit au mois de décembre à un exposé sur la fusée supposée du Spoutnik, car entre-temps Spoutnik-2 avait mis en orbite la chienne Laïka. Ces faits réels contribuèrent à renforcer ma passion pour l’espace, et chaque fois que je tombais sur une coupure de presse, je la découpais et la rangeait en lieu sûr. C’était surtout des articles glanés dans Le Progrès, Tintin, Science et Vie, Aviation Magazine, et beaucoup d’autres.
Une longue chaîne d’événement spatiaux a suivi : Laika, Explorer-1, Spoutnik-3, Pioneer, Luna-1, 2 et 3, etc… tout le monde connaît la suite jusqu’à ce 12 avril 1961. Ce 12 avril qui représente le deuxième choc après Spoutnik. Un choc que pratiquement personne n’avait vu venir et, annoncé au public après que l’événement se soit réalisé. A l’époque j’étais lycéens et j’ai appris l’exploit le lendemain ou surlendemain par le bouche à oreille et la lecture du Progrès affiché en bibliothèque. Il m’a été impossible de lire l’article tellement il y avait de monde devant le tableau d’affichage de la bibliothèque. Avec tous les commentaires que j’ai pu entendre on aurait presque pu écrire un livre tellement l’événement était extraordinaire. Il y en avait même qui n’y croyait pas.
L’image de Gagarine a fait le tour du monde, mais pas celle de son vaisseau qui est venu beaucoup plus tard, puis en 1967 le public a pris connaissance de la Semiorka exposée au Bourget pendant le Salon de l’Aviation.
Contexte politique de l’époque.
Nous étions en pleine guerre froide, les USA et l’URSS s’affrontaient par pays interposés, les américains se battaient au Vietnam après avoir subit toute une série de revers lors de l’offensive du Thêt en 1968. La contestation estudiantines, les nombreuses manifestations contre cette guerre, son coût et ses morts, les attentats contre Robert Kennedy et Martin Luther King tout cela assombrissait le paysage dans les années 68 et 69.
Arrive alors Noël 1968, 3 hommes tournent autour de La Lune en lisant la Genêse, le récit de la création. La première image de la Terre sur fond de Lune, qui m’a fait prendre conscience … qui nous a fait prendre conscience de la fragilité de l'humanité perdu sur cette boule flottant dans l’espace. Cette image de la Terre, notre Terre, présente comme un simple objet devant nous. Quelle émotion indescriptible j’ai ressenti alors, car les mots sont impropres pour décrire les émotions qui nous bouleversent. J’avais conscience de vivre un instant unique. Un instant auquel j’avais cru depuis le début des années soixantes. Lorsque Kennedy a lancé le défi de l’homme sur la Lune, lorsque les vols Mercury puis Gemini se réalisaient, j’y croyais. Pas un instant de doute, même lorsque Apollo-1 a brûlé sur le pas de tir. Pas un instant je n’ai douté de la réussite, contrairement à mon entourage qui n’y croyaient pas.
Une seule chaîne de télévision (l’ORTF), quelques radios (Europe 1, France Inter, RTL et RMC) et la presse quotidienne (Le Monde, La Croix, Le Figaro, l’Humanité Le Progrès, etc..) et enfin les revues (Science et Vie, Sciences & Avenir, Aviation Magazine et enfin et surtout Air & Cosmos avec les fameux articles hebdomadaires d’Albert Ducrocq.
Actuellement lorsqu’un événement survient, l’information fait le tour de la planète dans les minutes qui suivent. Il est possible de suivre en direct une EVA d’astronaute dans la soute de la navette pour aller travailler sur le télescope Hubble.
En 1969 cela pouvait prendre parfois plusieurs heures avant que le détail de l’info ne nous parvienne. Certes, les astronautes d’Apollo-11 étaient visibles en direct, mais avec une mauvaise qualité d’image, une caméra statique montrant toujours le même paysage. Savez-vous que Houston demandait parfois aux astronautes de se placer dans le champ de la caméra. Et pour les commentaires des journalistes de l’ORTF, c’était pas toujours très brillant (Michel Anfrol, Claude Chapel, Jacques Sallebert si ma mémoire est bonne). Seul Europe n°1 avait su tirer son épingle du jeu en disant à ses auditeurs :
''Allumez votre téléviseur, baissez le son , et écoutez-nous sur Europe n°1''. Et l’on pouvait alors suivre l’événement en direct avec l’inimitable Albert Ducrocq, qui lui au moins connaissait bien son sujet. A tel point qu’il savait passionnés les auditeurs, quel que soit le sujet traité. Quelle connaissance! Quelle culture! Quel grand bonhomme!!!
J’ai donc assisté à l’aide de l’ORTF au décollage majestueux de la Saturn-5, puis avec Europe n°1 à l’atterrissage d’Apollo-11. Je me souviens du cri de joie tonitruant d’Albert Ducrocq à la radio : "L’homme a marché sur la Lune". J’ai veillé toute la soirée à l’écoute des infos en passant d’une radio à l’autre. A quelle heure les astronautes devaient marcher sur la Lune ? Il était question qu’ils se reposent pendant la nuit avant d’effectuer leur sortie. Puis l’heure de sortie a été avancé de 5h car dans l’excitation du moment, Armstrong et Aldrin étaient incapables de dormir, préférant poursuivre la mission. J’ai veillé toute la nuit avec le téléviseur et la radio allumés, baissant le son pour ne pas importuner toute ma famille qui dormait du sommeil du juste. Pendant toute ces attentes j’avais étalé sur la table du salon toute la documentation que j’avais et la consultait régulièrement pour m’imprégner de ce qui se passait, pour imaginer le déroulement des opérations : SV/HS La Lune, Air & Cosmos, Aviation Magazine, Interavia, les nombreux articles de presse et des posters, etc… Je n’avais pas de documentation anglaise à l’époque. Celle-ci est venu beaucoup plus tard avec les revues Space World, Aviation Week, les films en super 8 de Movie Newsreels, puis les presskits de toutes sortes commandés au GPO, etc, etc… Je suis resté jusqu’à l’annonce effective de la sortie qui a débuté peu avant 4h du matin. J’ai vu Armstrong, silhouette évanescente descendre les marches du Lunar Module, se positionner sur le patin du train d’atterrissage, décrivant verbalement la nature du sol, et de son pied gauche toucher le sol de la Lune. L’image était mauvaise, sautillante, floue, mais quelle spectacle celle-ci donnait. Le son n’était pas mieux, mais on arrivait plus ou moins à comprendre les mots du traducteur, pas ceux de l’astronaute. Par contre si la transmission télévisé n’était pas sensationnelle, le commentateur sur Europe n°1 était beaucoup plus explicite.
La sortie s’est déroulée pendant un peu plus de deux heures, se déroulant tel que vous pouvez la voir dans toutes les séquences vidéos que l’on peut trouver à foison sur internet. J’ai été témoin de cet événement et redécouvre toujours avec émotion ce spectacle vécu à 24 ans, ayant personnellement conscience de la portée historique de ce que je venais de vivre. Mais en ayant aussi un pincement au cœur quand à la suite qui en a été donné. L’exploration de la Lune par l’homme s’est arrêté avec Apollo-17, car aucune suite n’a été donné à cette époque à l’occupation de la Lune (base permanente), et à l’exploration de Mars. Il y avait de grands projets dans les cartons mais ceux-ci sont restés au vestiaire.
Après avoir revu une seconde diffusion vers 7h, abrégée celle-là. Je suis allé me coucher aux alentours de 9h30/10h, et je me suis relevé vers 15h pour assister à la suite. En effet, le décollage de la Lune était prévu pour 17h je crois, et pour rien au monde je ne voulais manquer une seule miette du spectacle. Pas d’image à la télévision, mais de très longues explications avec Albert Ducrocq sur la poursuite des opérations. Une attente encore dans l’espérance de la complète réussite de la montée, de la jonction et de l’amarrage. Mais tout le monde connaît ce scénario, et je pense qu’Apolloman saurait mieux nous en parler que moi. Trois jours d’attente enfin avant d’assister au retour triomphal sur le porte-avions Hornet. J’ai été scotché à la télévision et à mon poste radio toutes les fois que cela était possible.
Tout en m’excusant d’avoir été un peu trop long et trop répétitif dans certains propos, j’espère que ce récit intéressera la majorité d’entre vous. Je souhaite qu’il vous apporte un peu de rêve, un rêve d’étoiles et d'avenir.
Je voudrais rassurer tous les rêveurs d’Apollo, l’avenir sera fait lui aussi de prouesses et de découvertes encore plus époustouflantes. Pour cela il va peut-être falloir encore attendre, mais qui sait tout peut aller très vite aussi… Seul l’avenir le dira.
Bien amicalement à tous et au plaisir de vous lire.