narount a écrit:Pour être certain que nos problèmes de communication ne soient pas dus à une mésentente sur la grille de lecture ou sur le fil directeur de cette discussion, voilà comment je comprends le sujet qui nous occupe :
1- La base est un tweet de Musk disant en substance qu'un jour il croit que le billet pour voyager (avec retour gratuit) vers Mars coûtera 1/2 million de dollars, même peut-être 1/10, et que cela permettrait à ceux qui le souhaiteraient de vendre leur maison et de sauter le pas.
2- Certains ici (dont moi) y voient surtout un tweet de communication visant à entretenir l'enthousiasme et l'optimiste du projet en "titillant" au passage chacun sur sa réaction devant la possibilité de partir.
3- Le sujet dévie très vite de votre chef sur la colonisation rapide de Mars et sa position privilégiée pour la domination de son industrie spatiale.
4- Certains ici (dont moi) mettons en avant des réserves :
SpaceX et Musk, aussi capables et novateurs puissent-ils être, ne sont que les derniers d'une longue liste de promesses d'une arrivée sur Mars d'un vaisseau habité. Optimisme peut-être, prudence sans doute, béatitude ou certitude non.
Arriver sur place ne sera que la partie "facile" tant les étapes avant la réalisation d'une colonie viable présentent des difficultés de réalisation, phénomène amplifié dans le cadre de l'établissement d'une entreprise spatiale locale dominante.
Pour ma part je m'en tiens là.
Je n'ai jamais critiqué SpaceX, Tesla ou Musk, il n'a jamais été question de mettre en question les accomplissements actuels de ces différentes entités.
Je n'ai jamais pris parti contre une colonisation de Mars. Je n'ai jamais pris parti pour une colonisation de Mars.
J'estime juste (sans jugement de valeur pour qui ne serait pas de mon avis) que passer de ce tweet de Musk à l'arrivée prochaine sur Mars et de l'arrivée prochaine sur Mars à l'établissement d'une industrie spatiale martienne "inéluctable et dans pas longtemps" est irréaliste.
Je comprends le cloisonnement, vous rebondissez sur la localisation martienne de l'industrie.
Un parallèle avec l'industrie agro-alimentaire : elle a des fournisseurs de toutes tailles (certains ont un lopin de terre devant leur maison, d'autres une surface de plusieurs départements). Tout ça marche pas si mal sur Terre et je m'avance à dire que ce ne sera pas facile à faire sur Mars alors que pourtant, il ne fait aucun doute qu'on fera des cultures sur Mars parce que c'est une question de vie ou de mort pour les astronautes.
C'est exactement pareil avec l'industrie spatiale. Ce ne sera pas facile de fabriquer des engins et du combustible sur Mars mais il faudra le faire parce qu'on ne peut pas y faire atterrir assez de fuel pour en repartir ensuite (question de gravité).
Les engins au décollage de Mars souffrent du même rapport masse/énergie avec en plus, un gros problème de pannes et de maintenance. Un engin au décollage de Mars est certes plus léger qu'au départ de la Terre pour la même charge utile. Il n'en est pas moins sujet aux pannes et tout aussi critique pour la survie des équipages. Les accidents au décollage sont les plus probables quoique pas forcément les plus fréquents car les décollages sont simplement l'opération qui mobilise de loin le plus de ressources en machines, énergie, personnel au sol et stations de suivi. Cette phase est critique et coûteuse. Elle requiert des installations lourdes.
DONC
Le seul fait d'aller sur Mars et d'en revenir requiert un embryon d'industrie spatiale sur place. Pourquoi ? Parce qu'en cas de panne, renvoyer une mission de sauvetage depuis la Terre prendrait 1 à 3 années terrestres ce qui semble rédhibitoire, non ?
Mars est à 9 mois de voyage au plus proche de nous. Cette fenêtre dure quelques semaines, puis le temps s'allonge et la fenêtre se ferme pendant 2 ans, le temps que les orbites planétaires se rapprochent à nouveau du même coté du Soleil.
Tout cela est pure déduction, si vous avez des idées qui rompent avec cette logique, n'hésitez pas à le dire.
En conséquence, on a une mission habitée vers Mars qui n'a aucun autre choix que de rester sur place au moins 18 mois. Or 18 mois c'est au moins une tempête Martienne à laquelle le lanceur de retour devra résister.
En quoi consiste ce lanceur de retour ?
Sans prendre de risque, c'est une fusée de la taille d'un missile intercontinental. La faible gravité martienne aide un peu mais il faut admettre que tout dysfonctionnement forcerait l'équipage à rester sur Mars 2 à 4 ans plus longtemps que prévu. Or , ce missile devra bien être acheminé d'une manière ou d'une autre et surtout, il devra atterrir en douceur sur Mars. C'est là que ça se complique. Un missile vide de tout combustible doit bien peser sa dizaine de tonnes , soit 3.3 tonnes sur Mars. C'est évidemment un engin hyper fragile, cher et crucial si nos astronautes veulent avoir une chance de revoir leur Normandie.
Ok, c'est là que Musk et sa fusée de Tintin entrent en scène. Théoriquement, il suffit de refaire le plein et de repartir. Théoriquement...
Bon, il y a un delta entre une trousse à outils pour l'entretien de la fusée et une industrie spatiale, j'en conviens. Mais clairement, une trousse ne suffira pas. Il faudra parfois déposer des pièces, effectuer des réparations, des remplacements... Il faudra aussi produire le combustible , rien d'impossible direz vous, merci Fischer-Tropsch, il y a de na neige carbonique aux pôles et de l'eau pour faire de l'hydrogène, on a aussi la réaction de Sabatier qui produit du méthane CH4 à partir de CO2 (Fischer-Tropsch a besoin de monoxyde de carbone CO). Largement de quoi bricoler une fusée certes mais tout cela requiert des machines, des tuyaux, des catalyseurs, des hydrocraqueurs , .... Comme l'armée s'est intéressée de longue date à la fabrication de carburants à partir de rien, on sait faire !! Mais à quel prix et quelles conséquences pour la mission ?
Sans faire de simulation, je ne vois pas comment on peut répondre à ces questions.
Or , je vous lis attentivement et je ne vois que des déductions vectorielles dans vos arguments, vous ne simulez jamais rien ... Est-ce une déformation professionnelle de ma part ? Peut-être.
Reste que c'est bien sur Mars qu'on va et pas sur la lune. Le coup de la grosse fusée qui contient tout, ce n'est même pas la peine d'y penser...