e]Je ne sais pas si j'ai bien compris, donc me corriger si je déraille.
Cela concerne notamment la description du cas d'un petit contributeur qui fournirait du "matériel non intégrable", et ne pourrait cependant être soumis à une obligation de résultat (donc il empoche le retour même en ayant livré de la daube), et ce serait l'intégrateur (donc un gros) qui assumerait le rôle de rattraper le coup (en payant pour avoir le bon matériel, donc en rognant sur ses marges).
Continuons donc dans la vraie vie :D D'abord je n'ai pas tenu les propos qui me sont prêtés, l'opinion sur la qualité de la production provient d'un autre contributeur. Ceci étant je vais essayer d'expliquer comment le processus fonctionne.
Au tout début, un donneur d'ordre: ESA, CNES...émet un RFP (Request For Proposal), en gros c'est une spécification avec éventuellement un budget à ne pas dépasser. Jusque là on reste dans le banal. L'affaire se corse un petit peu lorsqu'on prend en compte les éléments suivants:
-La fameuse spec ne vient pas toute seule, mais accompagnée d'une montagne de documents dits applicables qui dépassent largement en volume la spec elle même. Comme dans tout bon système administratif, on ne revient jamais en arrière on empile, pour les amateurs on se retrouve souvent avec la collection complète des ECSS accompagnées de quelques volumes des CCSDS. Savoir ce qu'il y a dans ces documents et être capable de s'engager sur une conformité à ceux-ci est un véritable métier à part entière. 8-) Ca ne va pas dans le sens de la réduction des coûts.
-Un profil de retour géographique est gentiment distribué. En effet le retour ne s'effectue pas en masse mais par contribution das pays à chaque affaire. Il faut donc gérer les pouillèmes de % de la Suisse ou du Luxembourg sur l'affaire. Juste pour rire il faut savoir que le Luxembourg par exemple, a contribué récemment à des programmes de surveillance maritime. Il est vrai que ce charmant pays possède une remarquable flotte de haute mer et les société qui vont avec :shock:.
-Là dessus, le prime s'engage pour une somme forfaitaire à réaliser l'objet du contrat avec les sous-traitants qu'il à 'librement' sélectionnés', sauf que ceux-ci font partie d'une liste imposée et que lorsque le retour sur un pays est en déficit la pression pour retenir le dit pays coûte que coûte est tout sauf négligeable. On aboutit donc à un joyeux foutoir dans lequel le prime se retrouve avec une équipe partiellement imposée.
Les primes n'étant pas totalement de jeunes perdreaux ils vont donc essayer de placer dans le contrat des clauses de réserves, pas trop avant d'avoir gagné le contrat, et pas trop après parce que justement on l'a gagné. Ca occupe pas mal d'heures de négociations à posteriori.
Qui plus est, chiffrer un programme qui n'a jamais été fait auparavant relève souvent des arts divinatoires. De toute façon, il y a un prix à ne pas dépasser (affiché ou pas).
J'ai oublié de préciser qu'avec la remise de la proposition se trouve un énorme dossier financier qui détaille toutes les heures et toues les fournitures et pour lequel les marges sont imposées (on dit agréées
)
Donc, à l'arrivée on se retrouve avec un contrat plutôt complexe et mal foutu. Admettons qu'on l'ait gagné.
On y va pour quatre ou cinq ans au minimum. Dans ce laps de temps tout ce qui peut partir en sucette se fera un plaisir de le faire, Murphy est ton ami. En particulier il y aura bien quelques sous-traitants qui foireront leur contrat. Là, ça devient intéressant. Que se passe t'il lorsque le sous-traitant X rate sa fabrication (je n'ai même pas parlé de compétence, juste du pas de bol), et bien X se tourne vers le prime et lui dit en substance: 'Cher Prime, je suis mille fois désolé, mais j'ai merdu et je n'ai plus d'argent pour refaire le travail, comme il est inconcevable que la seule société qui permet de satisfaire le retour géographique de l'ESA dans le pays Y disparaisse, il va falloir allonger la sauce. En clair, envoie le pognon.' En plus, au stade d'avancement du projet où on se trouve, changer de fournisseur serait très douloureux pour le planning, et, Cher Prime, tu peux toujours essayer de proposer cela à l'Agence, histoire de rigoler.
Sur ce, le prime pousse un coup de gueule (ça s'appelle une réunion de management, entre gens bien élevés), envoie quelques moustachus chez le sub histoire d'évaluer les dégâts (pas prévu au contrat ça) et se tourne vers l'ESA (le CNES ou quelque autre organisme du même genre) pour signaler qu'il y a une voie d'eau dans la coque et qu'il faudrait la colmater avant que tout le monde ait les pieds mouillés. Ce en quoi la réponse est du style 'toi prime, toi assumer, moi avoir contrat'. S'en suit dans des salons discrets et dans des salles de réunions tout aussi discrètes une série de négo ou tout le monde se tient par les organes reproducteurs. En général ça se solde par un compromis boiteux où l'agence règle une partie de la petite note et le prime s'enfile une part des frais, par exemple les heures en plus que cela lui coûte.
Alors, oui, ça semble loin du monde théorique du contrat qu'on applique avec un flingue, mais c'est la réalité du spatial. Au bout d'un moment de ce petit jeu, il est évident que les montagnes de papier servant de contrats sont savamment travaillées pour éviter d'y laisser trop de plumes. Mais ce n'est pas pour cela que les résultats des boites du spatial sont grandioses. :pale:
Enfin, pour ce qui est des émanations des primes dans les divers pays, il est bien clair que c'est une technique pour récupérer le maximum. En même temps ça permet au prime de contrôler la production et d'éviter les surprises (plus ou moins...). Mais là encore, l'Agence veille et peut très bien faire savoir qu'elle ne souhaite pas confier le travail à telle ou telle boite. Elle peut même en créer (inciter du moins) pour éviter cela. Et ça repart pour un tour.
Bons Vols