Old space / New space
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Désolé pour ma naïveté, mais c'est quoi la différence entre old space et new space ?
vp- Messages : 4557
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Old space : lanceur à usage unique très compliqué très cher
New space : lanceur peu cher rapide à mettre en oeuvre et pour les plus avancés réutilisable.
exemple extrême du old space la delta 4 (plus de 300 millions $ le vol)
Pour le new space c'est entre autres SpaceX et bientôt on espère Blue Origin
New space : lanceur peu cher rapide à mettre en oeuvre et pour les plus avancés réutilisable.
exemple extrême du old space la delta 4 (plus de 300 millions $ le vol)
Pour le new space c'est entre autres SpaceX et bientôt on espère Blue Origin
Anovel- Donateur
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Noté, mais faudrait définir ce qui n'est pas cher et rapide (tout est relatif)
- le soyuz est moins cher qu'une falcon 9 est très fiable. C'est du new space ?
- la navette spatiale n'étant pas à usage unique, ce n'est pas du old space ?
:suspect: Bizarre cette façon de parler (ou d'écrire), surtout quand on parlera de new space dans 20 ou 30 ans. :sage:
- le soyuz est moins cher qu'une falcon 9 est très fiable. C'est du new space ?
- la navette spatiale n'étant pas à usage unique, ce n'est pas du old space ?
:suspect: Bizarre cette façon de parler (ou d'écrire), surtout quand on parlera de new space dans 20 ou 30 ans. :sage:
vp- Messages : 4557
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vp a écrit:Noté, mais faudrait définir ce qui n'est pas cher et rapide (tout est relatif)
- le soyuz est moins cher qu'une falcon 9 est très fiable. C'est du new space ?
- la navette spatiale n'étant pas à usage unique, ce n'est pas du old space ?
:suspect: Bizarre cette façon de parler (ou d'écrire), surtout quand on parlera de new space dans 20 ou 30 ans. :sage:
Remarques pertinentes.
Cette distinction entre "old space" et "new space" est quelque peu fumeuse, simpliste et manichéenne.
David L.- Modérateur
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Le soyouz a plus de 50 ans en différentes versions donc c'est plus qu'amortis en terme de recherches et développements mais c'est construit sur un modèle très primaire (mais efficient en diable) C'était du new space à l'époque !! et ça reste toujours très efficace.vp a écrit:Noté, mais faudrait définir ce qui n'est pas cher et rapide (tout est relatif)
- le soyuz est moins cher qu'une falcon 9 est très fiable. C'est du new space ?
- la navette spatiale n'étant pas à usage unique, ce n'est pas du old space ?
:suspect: Bizarre cette façon de parler (ou d'écrire), surtout quand on parlera de new space dans 20 ou 30 ans. :sage:
La navette a ,été un gouffre financier, un cauchemar technique et la remise en état entre deux vols d'un orbiter un véritable chemin de croix !!!!
Anovel- Donateur
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La notion étant plus ancien que moi, je peux pas parler des origines de se terme, mais il me semble qu'il y a aussi une notion de privatisation.
le old space ,c’était les agences spatial qui dirige tout et acheté des composants a différente entreprise pour assemblé leur fusée.
Dans le new space, les agences acheté des places sous coiffe comme un client lambda
le old space ,c’était les agences spatial qui dirige tout et acheté des composants a différente entreprise pour assemblé leur fusée.
Dans le new space, les agences acheté des places sous coiffe comme un client lambda
En cherchant sur le net (je suis parti dans l'idée que la falcon 9 et la new shepard était du new space),
je découvre que le concept d'atterrissage vertical d'un lanceur a été initié par le département de la défense américaine (puis la NASA) avec le delta clipper dont le premier vol date de 1993 !
Bref, j'adhère pas à ce new space, je lui préfère "réutilisable", même si ce terme convient à la navette spatiale.
De tout façon, la falcon 9 n'est en rien une révolution, juste une évolution (pour l'instant, on avec le temps).
je découvre que le concept d'atterrissage vertical d'un lanceur a été initié par le département de la défense américaine (puis la NASA) avec le delta clipper dont le premier vol date de 1993 !
Bref, j'adhère pas à ce new space, je lui préfère "réutilisable", même si ce terme convient à la navette spatiale.
De tout façon, la falcon 9 n'est en rien une révolution, juste une évolution (pour l'instant, on avec le temps).
vp- Messages : 4557
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vp a écrit:Désolé pour ma naïveté, mais c'est quoi la différence entre old space et new space ?
Un argument marketing! En France, on dit nouveau monde... :megalol:
Lunarjojo- Donateur
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Effectivement, il y a cette notion de "privatisation", mais la NASA n'a jamais produit. Elle a toujours laissé la production aux industriels.phenix a écrit:La notion étant plus ancien que moi, je peux pas parler des origines de se terme, mais il me semble qu'il y a aussi une notion de privatisation.
le old space ,c’était les agences spatial qui dirige tout et acheté des composants a différente entreprise pour assemblé leur fusée.
Dans le new space, les agences acheté des places sous coiffe comme un client lambda
La seule évolution étant le passage de la conception de la NASA vers les industriels, comme les contrats de conception/réalisation dans le BTP français.
Mais dans ce cas les évolutions des Delta ou Atlas conçus par les industriels (ou Ariane 6 où il me semble que le CNES n'est plus maitre d'oeuvre) c'est du new space !
... pas clair.
vp- Messages : 4557
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phenix a écrit:La notion étant plus ancien que moi, je peux pas parler des origines de se terme, mais il me semble qu'il y a aussi une notion de privatisation.
le old space ,c’était les agences spatial qui dirige tout et acheté des composants a différente entreprise pour assemblé leur fusée.
Dans le new space, les agences acheté des places sous coiffe comme un client lambda
En dehors de la navette spatiale, cela fait très longtemps que la NASA n'assemble plus les lanceurs qu'elle utilise ! Il ne faut pas que l'arbre Saturn cache la forêt des lanceurs plus petits.
Pour les tirs non habités, les opérations de lancement sont confiées au secteur privé depuis 1989 (Delta) / 1990 (Atlas).
La NASA achète des places sous coiffe depuis très longtemps à ULA et Orbital-ATK, sans que ces entreprises soient affublées du qualificatif fumeux de "new space"...
Il n'y a donc pas eu d'avènement du "new space", mais une augmentation progressive de la part d'autonomie du secteur privé.
David L.- Modérateur
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Ça fait le hype de dire "old space / new space" , mais c'est encore un truc inventé par des gens qui n'ont aucun rapport avec l'astronautique.
Parce que ça ne signifie absolument rien...
Du langage pour "réseaux sociaux" qui adorent ce genre de truc réducteur, simpliste et pauvre de sens.
Comme ça tout le monde croit avoir compris alors qu'en fait personne
Parce que ça ne signifie absolument rien...
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Carcharodon- Messages : 172
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Cette question sur la différence entre Old Space et New Space n'est pas naïve, comme le craignait @vp, elle est au contraire, de mon point de vue, très pertinente.
Elle pourra donner lieu à débat, car la vie est ainsi faite que les choses qui apparaissent claires quand on y pense sont un peu plus complexes quand on doit donner par écrit des définitions.
Le New Space, sommairement, est un terme désignant la réorganisation de l'activité spatiale qui s'est amorcée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, lorsque dans le contexte de la crise financière et des déboires de la navette spatiale, l'administration américaine a décidé que la NASA prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées, dont les dirigeants sont souvent issus du monde de l'informatique, et dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA.
Ces fournisseurs américains traditionnels ont été, a contrario, classés péjorativement dans le Old Space. Mais le Old Space, c'est aussi tout un système qui s'est avéré coûteux pour le contribuable américain et peu efficace pour faire progresser la technologie des lanceurs. Dans ce système du Old Space, il y avait trois éléments aujourd'hui fortement contestés :
- les procédés traditionnels de passation des marchés publics de la NASA ; ces procédés n'ont pas permis d'éviter une dérive fréquente des prix dans le temps, les fournisseurs n'ayant pas intérêt dans un tel système à innover dans des technologies permettant de faire des économies ;
- des relations des fournisseurs avec la sous-traitance basées sur un certain mode de partage de la valeur dans toute la filière, aux conséquences inflationnistes pour la NASA, aux dépens des contribuables ;
- un verrouillage politique du système, les élus au Congrès étant très soucieux de maintenir les emplois des fournisseurs habituels de la NASA et de leurs sous-traitants, compte tenu des enjeux électoraux ; tout ceci a contribué pendant des décennies au peu d'appétence des opérateurs américains pour les innovations qui auraient permis de faire baisser les prix des lancements et des véhicules spatiaux ; par ailleurs, les grandes lignes des programmes spatiaux étant définies au niveau politique, il en a résulté une instabilité de la stratégie, chaque président voulant se démarquer de ses prédécesseurs, tandis que le Congrès restait soucieux de faire travailler les entreprises traditionnelles du secteur, que celles-ci aient ou non les caractéristiques permettant de répondre de manière optimisée aux nouvelles attentes spatiales de l'exécutif ; cette absence de continuité des efforts a contribué à de mauvais rapports coût/efficacité de l'espace américain.
La distinction New Space / Old Space est parfois réduite (un peu abusivement) à un classement des entreprises spatiales américaines, soit dans la première, soit dans la seconde de ces catégories. Space X, Blue Origin, Bigelow, Rocket Lab, Vector, se rattachent incontestablement au New Space et Ula (Boeing, Lockheed Martin) au Old Space.
Northrop Grumman Innovation Systems, issue de nombreuses fusions d'acteurs anciens du secteur aérospatial américain, pourrait aussi être classée dans le Old Space, mais elle est impliquée dans les partenariats public-privés mis en place par la NASA pour accueillir les entreprises du New Space, avec les ravitailleurs Cygnus de l'ISS lancés par la fusée Antares. Boeing aussi d'ailleurs est impliqué dans ce partenariat, avec les prochains lancements d'équipages vers l'ISS dans les capsules CST-100 Starliner.
Le marché des services commerciaux de lancement étant largement mondialisé, les prix bas pratiqués par les opérateurs américains du New Space contraignent les autres puissances à réorganiser à leur tour leur activité spatiale. Dans cette réorganisation, les méthodes qui ont permis le succès du New Space américain sont évidemment des références, mais s'avèrent assez difficiles à exporter, sauf peut-être en Chine.
Quelles sont ces méthodes du New Space américain ? D'abord et avant tout, le partenariat public / privé, qui laisse une autonomie beaucoup plus grande aux opérateurs privés pour l'évolution de leurs systèmes, sans préjudice d'une tutelle de l'Etat comme il en existe dans les autres secteurs d'activité.
La NASA n'a pas à proprement parler programmé les versions successives de la Falcon 9 de SpaceX, mais en revanche, en tant qu'administration de tutelle, elle a exigé que les programmes d'évolution de cette fusée permettent d'accroître la sécurité des vols.
Par ailleurs, dans ces partenariats, la NASA, s'appuyant sur sa grande expérience, donne des conseils à ses partenaires privés, pour les aider à atteindre des objectifs fixés en termes d'obligations de résultat (dans le service à assurer pour les vols vers l'ISS), plus qu'en termes d'obligations de moyens (comme c'est le cas dans les marchés publics traditionnels, par exemple ceux pour le SLS et Orion).
Les enveloppes de financement public étant fixées ex ante, et les fonds libérés après chaque étape prédéfinie par la NASA, les opérateurs ont intérêt à se fixer des objectifs propres en termes de réduction des coûts, afin d'accroître leur marge bénéficiaire et d'investir dans d'autres innovations, ou d'autres activités. Ce qui les a, soit dit en passant, conduit à réduire fortement le recours à la sous-traitance et à accentuer leur autonomie. Ces opérateurs du New Space développent leurs propres programmes indépendamment des programmes publics (par exemple, la Falcon Heavy a été financée sur les fonds propres de SpaceX, et il en est allé de même pour le moment des premiers travaux sur le BFR/BFS).
Ces partenariats public - privé représentent donc un pari sur l'avenir. Ils supposent qu'indépendamment des programmes publics, l'activité spatiale privée va se développer : que le marché du lancement commercial traditionnel ne ralentisse pas, que d'autres marchés, comme celui des constellations ou de l'élimination des débris orbitaux, se développent, que la privatisation de l'ISS soit un succès, que le tourisme orbital soit relancé grâce à la satellisation de stations - hôtels tels que ceux de Bigelow...
Il y aura toujours, bien entendu, des programmes publics, tels que celui de la station Lunar Orbital Plateform - Gateway, et l'accès aux partenariats public-privés correspondants sera déterminant pour l'évolution du classement des leaders du secteur spatial américain. Mais il y aura moins d'automaticité dans l'attribution des financements publics à tous les acteurs du secteur, et les liens malsains entre les élus et certains fournisseurs de la NASA seront atténués.
Par ailleurs, les grands programmes de long terme seront moins soumis au volontarisme de l'Etat fédéral américain : ce sont des entreprises telles que SpaceX ou Blue Origin qui développeront par elles-mêmes des programmes de long terme, BFR/BFS, New Armstrong, etc., tandis que la Maison Blanche aura tendance à définir des objectifs en fonction des moyens techniques que ces entreprises seront capables de mettre sur la table.
Bien entendu, les financements publics pourront booster ces programmes privés, mais l'absence de tels financements, tout en les ralentissant, ne conduira pas nécessairement à leur abandon.
Tout cela n'aurait évidemment pas été possible si l'Etat fédéral américain n'avait pas fait en sorte de casser l'oligopole des fournisseurs traditionnels de la NASA, en allant chercher de nouveaux entrants sur les marchés du spatial.
Cela n'allait pas de soi : les barrières technologiques et financières pour devenir un opérateur du spatial sont très élevées. Il y avait de surcroît une barrière psychologique, à savoir la peur du risque considérable lié au lancement de fusées.
Mais l'Amérique avait pour elle l'atout de ses jeunes nouveaux entrepreneurs de la Silicon Valley, qui depuis le début des années 1980, étaient parvenus à renouveler complètement le tissu des entreprises du secteur informatique, en ringardisant des géants tels qu'IBM, archi dominant dans les années 1960. Il y avait toute une génération d'hommes qui voulait faire à Boeing, Lokheed Martin, Northrop, Grumman et consorts et qu'ils venaient de faire à IBM et à d'autres.
Et puis, il y avait la nostalgie d'Apollo, et la rage d'avoir vu les rentiers de l'oligopole du Old Space stériliser les formidables capacités spatiales de l'Amérique dans ce programme insensé de navette spatiale, pendant trois décennies.
Des hommes différents, avec des codes culturels différents, la tenue vestimentaire, la décontraction californienne, l'esprit start-up, le souvenir des années 1990 avec les bulles spéculatives, les prises de risques, les fortunes qui venaient très rapidement récompenser des talents juvéniles... Des gens ayant des ambitions sans limites, Elon Musk n'étant qu'une incarnation parmi d'autres de ce type de profil d'entrepreneurs...
Mais la barrière à l'entrée du marché du spatial était haute, très haute.
Pour l'instant, seule SpaceX a vraiment surmonté cette barrière, et il lui a fallu 16 ans pour arriver là où elle est aujourd'hui. Et malgré les milliards de Jeff Bezos, l'homme le plus riche du monde, Blue Origin, fondée avant SpaceX en 2000, n'a pas encore mis sur orbite un seul satellite. Mais ses efforts opiniâtres, sur deux décennies, sont sur le point d'aboutir.
Une entreprise comme Rocket Lab a réussi sa première mise sur orbite, mais peine à industrialiser ses processus.
Alors le New Space n'est-il qu'un mirage, pour donner une apparence de généralité à un processus d'émergence concernant tout au plus deux ou trois nouveaux opérateurs à l'échelle du monde ? Certainement pas !
Les programmes COTS, CRS et CCDev ne sont pas allés sans difficulté, mais ils ont montré l'efficacité des partenariats publics-privés dans le secteur spatial. Un retour en arrière n'est plus imaginable aux Etats-Unis. Les entreprises étant pragmatiques, les opérateurs privés traditionnels américains, Boeing, Lockheed Martin, NGIS, vont probablement eux-mêmes adapter leur culture et leur modèle économique au nouveau contexte. S'ils ne le font pas, ils devront se retirer du secteur spatial et se recentrer sur l'aéronautique et le militaire. D'autres prendraient alors la place.
Le New Space, c'est en effet désormais une dynamique. Dans cette nouvelle organisation, l'esprit start-up venu des anciens de l'informatique aidant, les innovations se sont multipliées. La Falcon 9 réutilisable n'aurait pas été possible sans des dispositifs tels que les grids fins, les pieds de fusée, etc. La trajectoire de baisse des coûts liée à la réutilisation, n'en déplaise aux esprits chagrins, est suffisamment tangible pour que les concurrents des pays étrangers, et en premier lieu les concurrents européens, aient jugé indispensable de se réorganiser, ce qui a conduit à Ariane 6 et devra sans nul doute aller beaucoup plus loin.
Au-delà de la réutilisation, les partenariats public-privé conduiront aux Etats-Unis à d'autres innovations dans le secteur spatial. L'astronautique mondiale est sortie de sa léthargie de l'après-Apollo.
Et puis il y a la Chine, dont les moyens économiques, financiers et technologiques deviennent considérables, et qui rattrape les Américains dans tous les domaines. Du côté de l'informatique, en face de Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, il y a désormais Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi, Huawei.
Du côté du spatial, il y a déjà en Chine un acteur privé, Landspace. Et tout laisse penser qu'il y en aura rapidement d'autres.
Le grand match spatial du XXIème siècle n'opposera pas le Old Space et le New Space, il aura lieu à l'intérieur du New Space, entre opérateurs privés américains, chinois, et souhaitons-le, européens...
Ce sera Dragon contre Dragon.
Elle pourra donner lieu à débat, car la vie est ainsi faite que les choses qui apparaissent claires quand on y pense sont un peu plus complexes quand on doit donner par écrit des définitions.
Le New Space, sommairement, est un terme désignant la réorganisation de l'activité spatiale qui s'est amorcée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, lorsque dans le contexte de la crise financière et des déboires de la navette spatiale, l'administration américaine a décidé que la NASA prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées, dont les dirigeants sont souvent issus du monde de l'informatique, et dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA.
Ces fournisseurs américains traditionnels ont été, a contrario, classés péjorativement dans le Old Space. Mais le Old Space, c'est aussi tout un système qui s'est avéré coûteux pour le contribuable américain et peu efficace pour faire progresser la technologie des lanceurs. Dans ce système du Old Space, il y avait trois éléments aujourd'hui fortement contestés :
- les procédés traditionnels de passation des marchés publics de la NASA ; ces procédés n'ont pas permis d'éviter une dérive fréquente des prix dans le temps, les fournisseurs n'ayant pas intérêt dans un tel système à innover dans des technologies permettant de faire des économies ;
- des relations des fournisseurs avec la sous-traitance basées sur un certain mode de partage de la valeur dans toute la filière, aux conséquences inflationnistes pour la NASA, aux dépens des contribuables ;
- un verrouillage politique du système, les élus au Congrès étant très soucieux de maintenir les emplois des fournisseurs habituels de la NASA et de leurs sous-traitants, compte tenu des enjeux électoraux ; tout ceci a contribué pendant des décennies au peu d'appétence des opérateurs américains pour les innovations qui auraient permis de faire baisser les prix des lancements et des véhicules spatiaux ; par ailleurs, les grandes lignes des programmes spatiaux étant définies au niveau politique, il en a résulté une instabilité de la stratégie, chaque président voulant se démarquer de ses prédécesseurs, tandis que le Congrès restait soucieux de faire travailler les entreprises traditionnelles du secteur, que celles-ci aient ou non les caractéristiques permettant de répondre de manière optimisée aux nouvelles attentes spatiales de l'exécutif ; cette absence de continuité des efforts a contribué à de mauvais rapports coût/efficacité de l'espace américain.
La distinction New Space / Old Space est parfois réduite (un peu abusivement) à un classement des entreprises spatiales américaines, soit dans la première, soit dans la seconde de ces catégories. Space X, Blue Origin, Bigelow, Rocket Lab, Vector, se rattachent incontestablement au New Space et Ula (Boeing, Lockheed Martin) au Old Space.
Northrop Grumman Innovation Systems, issue de nombreuses fusions d'acteurs anciens du secteur aérospatial américain, pourrait aussi être classée dans le Old Space, mais elle est impliquée dans les partenariats public-privés mis en place par la NASA pour accueillir les entreprises du New Space, avec les ravitailleurs Cygnus de l'ISS lancés par la fusée Antares. Boeing aussi d'ailleurs est impliqué dans ce partenariat, avec les prochains lancements d'équipages vers l'ISS dans les capsules CST-100 Starliner.
Le marché des services commerciaux de lancement étant largement mondialisé, les prix bas pratiqués par les opérateurs américains du New Space contraignent les autres puissances à réorganiser à leur tour leur activité spatiale. Dans cette réorganisation, les méthodes qui ont permis le succès du New Space américain sont évidemment des références, mais s'avèrent assez difficiles à exporter, sauf peut-être en Chine.
Quelles sont ces méthodes du New Space américain ? D'abord et avant tout, le partenariat public / privé, qui laisse une autonomie beaucoup plus grande aux opérateurs privés pour l'évolution de leurs systèmes, sans préjudice d'une tutelle de l'Etat comme il en existe dans les autres secteurs d'activité.
La NASA n'a pas à proprement parler programmé les versions successives de la Falcon 9 de SpaceX, mais en revanche, en tant qu'administration de tutelle, elle a exigé que les programmes d'évolution de cette fusée permettent d'accroître la sécurité des vols.
Par ailleurs, dans ces partenariats, la NASA, s'appuyant sur sa grande expérience, donne des conseils à ses partenaires privés, pour les aider à atteindre des objectifs fixés en termes d'obligations de résultat (dans le service à assurer pour les vols vers l'ISS), plus qu'en termes d'obligations de moyens (comme c'est le cas dans les marchés publics traditionnels, par exemple ceux pour le SLS et Orion).
Les enveloppes de financement public étant fixées ex ante, et les fonds libérés après chaque étape prédéfinie par la NASA, les opérateurs ont intérêt à se fixer des objectifs propres en termes de réduction des coûts, afin d'accroître leur marge bénéficiaire et d'investir dans d'autres innovations, ou d'autres activités. Ce qui les a, soit dit en passant, conduit à réduire fortement le recours à la sous-traitance et à accentuer leur autonomie. Ces opérateurs du New Space développent leurs propres programmes indépendamment des programmes publics (par exemple, la Falcon Heavy a été financée sur les fonds propres de SpaceX, et il en est allé de même pour le moment des premiers travaux sur le BFR/BFS).
Ces partenariats public - privé représentent donc un pari sur l'avenir. Ils supposent qu'indépendamment des programmes publics, l'activité spatiale privée va se développer : que le marché du lancement commercial traditionnel ne ralentisse pas, que d'autres marchés, comme celui des constellations ou de l'élimination des débris orbitaux, se développent, que la privatisation de l'ISS soit un succès, que le tourisme orbital soit relancé grâce à la satellisation de stations - hôtels tels que ceux de Bigelow...
Il y aura toujours, bien entendu, des programmes publics, tels que celui de la station Lunar Orbital Plateform - Gateway, et l'accès aux partenariats public-privés correspondants sera déterminant pour l'évolution du classement des leaders du secteur spatial américain. Mais il y aura moins d'automaticité dans l'attribution des financements publics à tous les acteurs du secteur, et les liens malsains entre les élus et certains fournisseurs de la NASA seront atténués.
Par ailleurs, les grands programmes de long terme seront moins soumis au volontarisme de l'Etat fédéral américain : ce sont des entreprises telles que SpaceX ou Blue Origin qui développeront par elles-mêmes des programmes de long terme, BFR/BFS, New Armstrong, etc., tandis que la Maison Blanche aura tendance à définir des objectifs en fonction des moyens techniques que ces entreprises seront capables de mettre sur la table.
Bien entendu, les financements publics pourront booster ces programmes privés, mais l'absence de tels financements, tout en les ralentissant, ne conduira pas nécessairement à leur abandon.
Tout cela n'aurait évidemment pas été possible si l'Etat fédéral américain n'avait pas fait en sorte de casser l'oligopole des fournisseurs traditionnels de la NASA, en allant chercher de nouveaux entrants sur les marchés du spatial.
Cela n'allait pas de soi : les barrières technologiques et financières pour devenir un opérateur du spatial sont très élevées. Il y avait de surcroît une barrière psychologique, à savoir la peur du risque considérable lié au lancement de fusées.
Mais l'Amérique avait pour elle l'atout de ses jeunes nouveaux entrepreneurs de la Silicon Valley, qui depuis le début des années 1980, étaient parvenus à renouveler complètement le tissu des entreprises du secteur informatique, en ringardisant des géants tels qu'IBM, archi dominant dans les années 1960. Il y avait toute une génération d'hommes qui voulait faire à Boeing, Lokheed Martin, Northrop, Grumman et consorts et qu'ils venaient de faire à IBM et à d'autres.
Et puis, il y avait la nostalgie d'Apollo, et la rage d'avoir vu les rentiers de l'oligopole du Old Space stériliser les formidables capacités spatiales de l'Amérique dans ce programme insensé de navette spatiale, pendant trois décennies.
Des hommes différents, avec des codes culturels différents, la tenue vestimentaire, la décontraction californienne, l'esprit start-up, le souvenir des années 1990 avec les bulles spéculatives, les prises de risques, les fortunes qui venaient très rapidement récompenser des talents juvéniles... Des gens ayant des ambitions sans limites, Elon Musk n'étant qu'une incarnation parmi d'autres de ce type de profil d'entrepreneurs...
Mais la barrière à l'entrée du marché du spatial était haute, très haute.
Pour l'instant, seule SpaceX a vraiment surmonté cette barrière, et il lui a fallu 16 ans pour arriver là où elle est aujourd'hui. Et malgré les milliards de Jeff Bezos, l'homme le plus riche du monde, Blue Origin, fondée avant SpaceX en 2000, n'a pas encore mis sur orbite un seul satellite. Mais ses efforts opiniâtres, sur deux décennies, sont sur le point d'aboutir.
Une entreprise comme Rocket Lab a réussi sa première mise sur orbite, mais peine à industrialiser ses processus.
Alors le New Space n'est-il qu'un mirage, pour donner une apparence de généralité à un processus d'émergence concernant tout au plus deux ou trois nouveaux opérateurs à l'échelle du monde ? Certainement pas !
Les programmes COTS, CRS et CCDev ne sont pas allés sans difficulté, mais ils ont montré l'efficacité des partenariats publics-privés dans le secteur spatial. Un retour en arrière n'est plus imaginable aux Etats-Unis. Les entreprises étant pragmatiques, les opérateurs privés traditionnels américains, Boeing, Lockheed Martin, NGIS, vont probablement eux-mêmes adapter leur culture et leur modèle économique au nouveau contexte. S'ils ne le font pas, ils devront se retirer du secteur spatial et se recentrer sur l'aéronautique et le militaire. D'autres prendraient alors la place.
Le New Space, c'est en effet désormais une dynamique. Dans cette nouvelle organisation, l'esprit start-up venu des anciens de l'informatique aidant, les innovations se sont multipliées. La Falcon 9 réutilisable n'aurait pas été possible sans des dispositifs tels que les grids fins, les pieds de fusée, etc. La trajectoire de baisse des coûts liée à la réutilisation, n'en déplaise aux esprits chagrins, est suffisamment tangible pour que les concurrents des pays étrangers, et en premier lieu les concurrents européens, aient jugé indispensable de se réorganiser, ce qui a conduit à Ariane 6 et devra sans nul doute aller beaucoup plus loin.
Au-delà de la réutilisation, les partenariats public-privé conduiront aux Etats-Unis à d'autres innovations dans le secteur spatial. L'astronautique mondiale est sortie de sa léthargie de l'après-Apollo.
Et puis il y a la Chine, dont les moyens économiques, financiers et technologiques deviennent considérables, et qui rattrape les Américains dans tous les domaines. Du côté de l'informatique, en face de Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, il y a désormais Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi, Huawei.
Du côté du spatial, il y a déjà en Chine un acteur privé, Landspace. Et tout laisse penser qu'il y en aura rapidement d'autres.
Le grand match spatial du XXIème siècle n'opposera pas le Old Space et le New Space, il aura lieu à l'intérieur du New Space, entre opérateurs privés américains, chinois, et souhaitons-le, européens...
Ce sera Dragon contre Dragon.
PierredeSedna- Donateur
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PierredeSedna a écrit:
Le New Space, sommairement, est un terme désignant la réorganisation de l'activité spatiale qui s'est amorcée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, lorsque dans le contexte de la crise financière et des déboires de la navette spatiale, l'administration américaine a décidé que la NASA prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées, dont les dirigeants sont souvent issus du monde de l'informatique, et dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA.
A part les déboires de la navette, c'est doublement faux.
1. Le contexte de la crise financière de 2008 n'a joué strictement aucun rôle. C'est uniquement la décision (annoncée début 2004) d'arrêter la navette spatiale à l'horizon 2010 qui a provoqué le lancement du programme COTS, dont les contrats ont été attribués bien avant la crise financière.
2. L'administration américaine n'a pas décidé que la NASA "prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées [...] dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA" ! La NASA a lancé un appel d'offres pour des services de desserte de l'ISS, peu importe la philosophie des postulants !
Avec pour preuves d'une part que l'un des deux postulants retenus pour les programmes COTS puis CRS fut Orbital, une entreprise de format classique datant de 1982, et que d'autre part d'autres entreprises nouvelles n'ont pas été retenues...
Et pour le transport d'équipages, Boeing a été l'un des deux retenus. Si Boeing n'est pas un "fournisseur traditionnel de la NASA"...
Dernière édition par David L. le Jeu 19 Juil 2018 - 23:28, édité 2 fois
David L.- Modérateur
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PierredeSedna a écrit:
Une entreprise comme Rocket Lab a réussi sa première mise sur orbite, mais peine à industrialiser ses processus.
Si l'on compare SpaceX et RocketLab, c'est un jugement pour le moins hâtif.
Rocket Lab a réussi sa première satellisation dès son deuxième lancement, alors que SpaceX n'y est arrivé qu'au quatrième.
Sur une période allant de mars 2006 (1er tir Falcon 1) à mai 2012 (3e tir Falcon 9), soit un peu plus de 6 ans (74 mois pour être plus précis), SpaceX a procédé à ses 8 premiers tirs, soit un rythme d'environ un tir tous les 11 mois.
Nous pourrons faire un bilan comparatif de l'industrialisation de Rocket Lab en 2025, au bout de cette même période de 8 ans, ou comme je le pense probablement avant...
David L.- Modérateur
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David L. a écrit:PierredeSedna a écrit:
Le New Space, sommairement, est un terme désignant la réorganisation de l'activité spatiale qui s'est amorcée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, lorsque dans le contexte de la crise financière et des déboires de la navette spatiale, l'administration américaine a décidé que la NASA prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées, dont les dirigeants sont souvent issus du monde de l'informatique, et dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA.
C'est doublement faux.
1. Le contexte de la crise financière de 2008 n'a joué strictement aucun rôle. C'est uniquement la décision (annoncée début 2004) d'arrêter la navette spatiale à l'horizon 2010 qui a provoqué le lancement du programme COTS, dont les contrats ont été attribués bien avant la crise financière.
2. L'administration américaine n'a pas décidé que la NASA "prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées [...] dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA" ! La NASA a lancé un appel d'offres pour des services de desserte de l'ISS, peu importe la philosophie des postulants ! Avec pour preuve que l'un des deux postulants retenus pour les programmes COTS puis CRS fut Orbital, une entreprise de format classique datant de 1982...
Et pour le transport d'équipages, Boeing a été l'un des deux retenus. Si Boeing n'est pas un "fournisseur traditionnel de la NASA"...
Un peu de modération dans les appréciations et d'attention dans la lecture ne nuirait pas.
- La crise financière s'est manifestée en 2007-2008, mais les difficultés financières et budgétaires de l'Etat fédéral américain sont bien antérieures. Elles ont été considérablement accentuées par le coût gigantesque de la guerre d'Irak, largement supérieur à celui d'un programme d'exploration de Mars. L'invasion de l'Irak par les Etats-Unis est de 2003 ! Je n'ai parlé que de contexte de la crise financière, et j'ai bien mentionné les déboires de la navette spatiale. Le New Space est une bonne chose, mais il a été favorisé par de multiples tristes événements ; comme le disait Marx, l'histoire avance par le mauvais côté.
- Je regrette, mais le choix du partenariat public - privé par rapport au procédé du marché public est un renversement copernicien qui conduit les acteurs du spatial qui y entrent à chercher un nouveau modèle économique, pour les raisons que j'ai détaillées dans mon post. C'était l'intention d'origine, et c'est bien ce qu'il s'est passé.
En outre, il y avait un objectif de casser un oligopole, en cohérence avec des politiques publiques de nombreux pays du monde. Ce qui s'est traduit en Europe par l'ouverture des marchés des télécommunications, de l'électricité, du gaz, du ferroviaire maintenant... Quand on veut ouvrir un monopole national ou casser un oligopole national en Europe, on va chercher des opérateurs dans d'autres pays européens, donc on ouvre un marché à la concurrence européenne. Mais aux Etats-Unis, on ne peut qu'aller le chercher dans un autre secteur d'activité. Coup de chance, il y avait des gens intéressés.
Ce n'est pas un hasard. Des gens comme Aldrin et bien d'autres depuis très longtemps plaidaient pour que l'on trouve des procédés faisant davantage confiance au secteur privé dans le spatial américain. Il y a eu un jour où cette idée - pour de bonnes comme pour de mauvaises raisons- a été mûre, s'est cristallisée et a été mise en oeuvre.
Enfin, si tu lis bien mon post, tu verras que j'ai insisté sur le fait que c'est de manière réductrice que l'on répartit les opérateurs entre New Space et Old Space, et j'ai précisément cité NGIS (qui vient de reprendre Orbital ATK) et Boeing - exactement pour la raison que tu indiques, à savoir les partenariats public-privé pour Cygnus et CST-100- comme montrant la limite de la définition de ces concepts par des énumérations d'entreprises.
Il serait évidemment discriminatoire sur le plan juridique, et absurde sur le plan de la politique industrielle, d'empêcher les entreprises issues du Old Space d'accéder aux partenariats public-privé ! Briser un oligopole, ce n'est pas tuer les entreprises qui le constituent, mais faire venir un ou des nouveaux pour que le jeu concurrentiel d'ensemble redevienne sain.
On a eu un cas célèbre en France : après la condamnation d'Orange, SFR et Bouygues pour entente sur le marché des télécoms, l'Etat français a fait en sorte que Free vienne sur ce marché.
Mais pour revenir au New Space, c'est un processus qui a sa logique globale, unissant trois composantes : d'abord et avant tout un nouveau cadre juridique pour la relation entre la NASA et des opérateurs spatiaux, deuxièmement l'arrivée de nouveaux acteurs pour changer le jeu concurrentiel global sur les marchés du spatial, et troisièmement en conséquence de cela, de nouveaux modèles économiques (à terme, pour tous, y compris si possible Boeing et tous ceux que j'ai cités), rendant possible une accélération de l'innovation ainsi qu'une plus grande cohérence stratégique dans la durée, du fait de l'autonomie plus grande des opérateurs privés.
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PierredeSedna a écrit:
- La crise financière s'est manifestée en 2007-2008, mais les difficultés financières et budgétaires de l'Etat fédéral américain sont bien antérieures. Elles ont été considérablement accentuées par le coût gigantesque de la guerre d'Irak, largement supérieur à celui d'un programme d'exploration de Mars. L'invasion de l'Irak par les Etats-Unis est de 2003 ! Je n'ai parlé que de contexte de la crise financière, et j'ai bien mentionné les déboires de la navette spatiale. Le New Space est une bonne chose, mais il a été favorisé par de multiples tristes événements ; comme le disait Marx, l'histoire avance par le mauvais côté.
Que la crise financière soit prise en compte sur la période 2007-2008 ou seulement à l'automne 2008, dans les deux cas le programme COTS est antérieur.
Si l'on considère la situation budgétaire de l'état fédéral américain, alors le terme de crise n'est plus adapté car cette situation se reproduit régulièrement depuis très longtemps.
L'essor de SpaceX a été favorisé par les contrats COTS et CRS, donc par la destruction de Columbia, pas par la situation financière de l'état fédéral américain.
David L.- Modérateur
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David L. a écrit:PierredeSedna a écrit:
Une entreprise comme Rocket Lab a réussi sa première mise sur orbite, mais peine à industrialiser ses processus.
Si l'on compare SpaceX et RocketLab, c'est un jugement pour le moins hâtif.
Rocket Lab a réussi sa première satellisation dès son deuxième lancement, alors que SpaceX n'y est arrivé qu'au quatrième.
Sur une période allant de mars 2006 (1er tir Falcon 1) à mai 2012 (3e tir Falcon 9), soit un peu plus de 6 ans (74 mois pour être plus précis), SpaceX a procédé à ses 8 premiers tirs, soit un rythme d'environ un tir tous les 11 mois.
Nous pourrons faire un bilan comparatif de l'industrialisation de Rocket Lab en 2025, au bout de cette même période de 8 ans, ou comme je le pense probablement avant...
Cher David L., je me suis borné pour Rocket Lab à constater la situation présente. Il n'y avait là de ma part aucun pronostic pour l'avenir.
Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec toi sur ce point, bien au contraire.
Rocket Lab est une entreprise prometteuse pour deux raisons :
- d'abord, concernant les processus de fabrication, elle est à la pointe sur la technologie de l'impression 3 D des éléments de lanceur, ce qui pourrait, si l'industrialisation réussit, permettre une cadence de lancement élevée, sans passer par la réutilisation (au moins à court terme) ;
- ensuite, elle est sur le créneau des nanosatellites, qui peut éventuellement rapporter assez vite beaucoup d'argent si les clients affluent. Et comme beaucoup d'entités peuvent financer des nanosatellites, même si Rocket Lab n'est pas seule, ce marché pourrait vraiment être porteur.
Mais pour passer à l'étape 2 du lanceur moyen, Rocket Lab risque de ne pas avoir la chance de SpaceX, qui a bénéficié du programme COTS.
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PierredeSedna a écrit:
Mais pour passer à l'étape 2 du lanceur moyen, Rocket Lab risque de ne pas avoir la chance de SpaceX, qui a bénéficié du programme COTS.
Effectivement le programme COTS fut un soutien fondamental pour SpaceX. Mais de toute façon, Rocket Lab n'a jamais fait état d'un projet de lanceur moyen.
Les seuls projets annoncés sont d'augmenter le nombre de ses pas de tirs. Le second sera aux Etats-Unis (4 sites actuellement retenus) et le troisième pourrait être en Ecosse.
Le créneau des lanceurs moyens est déjà bien encombré, je ne vois pas ce que Rocket Lab aurait à gagner en s'y aventurant.
David L.- Modérateur
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David L. a écrit:PierredeSedna a écrit:
- La crise financière s'est manifestée en 2007-2008, mais les difficultés financières et budgétaires de l'Etat fédéral américain sont bien antérieures. Elles ont été considérablement accentuées par le coût gigantesque de la guerre d'Irak, largement supérieur à celui d'un programme d'exploration de Mars. L'invasion de l'Irak par les Etats-Unis est de 2003 ! Je n'ai parlé que de contexte de la crise financière, et j'ai bien mentionné les déboires de la navette spatiale. Le New Space est une bonne chose, mais il a été favorisé par de multiples tristes événements ; comme le disait Marx, l'histoire avance par le mauvais côté.
Que la crise financière soit prise en compte sur la période 2007-2008 ou seulement à l'automne 2008, dans les deux cas le programme COTS est antérieur.
Si l'on considère la situation budgétaire de l'état fédéral américain, alors le terme de crise n'est plus adapté car cette situation se reproduit régulièrement depuis très longtemps.
L'essor de SpaceX a été favorisé par les contrats COTS et CRS, donc par la destruction de Columbia, pas par la situation financière de l'état fédéral américain.
Je le répète, la guerre d'Irak, qui a considérablement accentué les difficultés budgétaires américaines, a commencé en 2003. Columbia a également été détruite en 2003 et la réflexion sur les conséquences de cette catastrophe a pris quelque temps encore.
Ce n'est pas de gaité de cœur que les Etats-Unis ont décidé ensuite de mettre fin au programme de la navette spatiale, sans le remplacer par un programme permettant rapidement la reprise de la mise sur orbite d'équipages américains par des moyens indépendants.
Dans les années 1990, bien que le mur de Berlin soit déjà tombé, se retrouver ainsi dans la dépendance des Russes aurait été impensable.
Les Américains se sont résignés à cette situation humiliante parce qu'ils y étaient contraints et forcés par la situation financière, et parce qu'après des difficultés techniques, le programme X33 de démonstrateur de navette monoétage a été abandonné sans suite en 2001, après que la NASA y ait englouti près d'un milliard de dollars.
Cette même cause financière a eu un second effet : malgré la puissance des lobbies du old space, qui auraient bien voulu continuer à se gaver de fonds publics avec les marchés traditionnels de la NASA, l'Etat fédéral a décidé de mettre en place les partenariats publics-privés, afin de faire des économies et d'accélérer l'innovation.
Crois-moi, remettre en question ce système de marchés publics de la NASA, ça a été presque plus difficile politiquement que tomber sous la coupe des Russes pour le transfert d'équipages.
La force du conservatisme des trusts américains est terrifiante. Mais l'Etat fédéral est allé jusqu'au bout parce que dans le contexte financier contraint, la seule alternative aurait été d'abandonner l'ISS et les vols habités.
Ces premiers partenariats public - privé de la NASA ont eu pour nom COTS et CRS. Et Space X a été l'une des entreprises bénéficiaires de ces partenariats, qui lui ont permis de franchir des étapes essentielles de son développement et d'arriver là où elle est aujourd'hui.
Aujourd'hui, la situation financière des Etats-Unis est toujours difficile, mais grâce à l'administration Obama, la croissance a repris. L'administration Trump, malgré sa gestion erratique, m'a pas encore cassé cette croissance. Mais avec la guerre commerciale lancée par Trump, le pire est à craindre.
Dans tous les cas de figure, le dispositif des partenariats-publics privés de la NASA me paraît irréversible. La NASA y aura recours pour ses prochains programmes. Ou alors, elle se suicidera.
PierredeSedna- Donateur
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David L. a écrit:PierredeSedna a écrit:
Mais pour passer à l'étape 2 du lanceur moyen, Rocket Lab risque de ne pas avoir la chance de SpaceX, qui a bénéficié du programme COTS.
Effectivement le programme COTS fut un soutien fondamental pour SpaceX. Mais de toute façon, Rocket Lab n'a jamais fait état d'un projet de lanceur moyen.
Les seuls projets annoncés sont d'augmenter le nombre de ses pas de tirs. Le second sera aux Etats-Unis (4 sites actuellement retenus) et le troisième pourrait être en Ecosse.
Le créneau des lanceurs moyens est déjà bien encombré, je ne vois pas ce que Rocket Lab aurait à gagner en s'y aventurant.
Tout cela est juste. Le créneau des lanceurs moyens est encombré, et dans la concurrence que ces lanceurs se livrent, il y aura des morts, sauf si le développement des méga constellations est fulgurant.
Mais à mon avis, Rocket Lab, comme ses consoeurs de la génération du New Space, ont dans leur ADN la volonté de se développer et ne s'arrêteront pas après un premier succès. Exploiter une excellente fusée pendant plus de cinquante ans, c'est dans la culture des Russes, pas dans celle des start-up occidentales.
Alors que fera Rocket Lab après Electron ?
SpaceX et Blue Origin dévoilent leurs projets les plus stratégiques assez longtemps à l'avance. Peter Beck, qui est passé par SpaceX avant de fonder Rocket Lab en 2006, n'a pas encore fait de même. Peut-être parce que son plan stratégique de très long terme n'est pas de même nature.
SpaceX et Blue Origin mènent la course en tête. Elles ont annoncé des projets qui seraient réalisés par développement interne (BFR/BFS, New Glenn, New Armstrong). Cela peut se dire à l'avance, et cela doit même être dit, pour susciter la confiance, faire venir les salariés, les capitaux et les clients.
Le silence de Peter Beck s'explique peut-être parce que Rocket Lab a pour stratégie de réaliser des acquisitions quand elle en aura les moyens financiers. Et ça, ça ne se raconte pas à l'avance.
Si, comme je l'écrivais plus haut, il y a des morts, il y aura des dépouilles à récupérer. Des technologies, des hommes, de l'expérience, qui pourront être mis au service de nouveaux projets de Rocket Lab.
C'est peu après de telles acquisitions que Rocket Lab nous dira quelle est l'étape 2 pour elle.
PierredeSedna- Donateur
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PierredeSedna a écrit:David L. a écrit:
Effectivement le programme COTS fut un soutien fondamental pour SpaceX. Mais de toute façon, Rocket Lab n'a jamais fait état d'un projet de lanceur moyen.
Les seuls projets annoncés sont d'augmenter le nombre de ses pas de tirs. Le second sera aux Etats-Unis (4 sites actuellement retenus) et le troisième pourrait être en Ecosse.
Le créneau des lanceurs moyens est déjà bien encombré, je ne vois pas ce que Rocket Lab aurait à gagner en s'y aventurant.
Tout cela est juste. Le créneau des lanceurs moyens est encombré, et dans la concurrence que ces lanceurs se livrent, il y aura des morts, sauf si le développement des méga constellations est fulgurant.
Mais à mon avis, Rocket Lab, comme ses consoeurs de la génération du New Space, ont dans leur ADN la volonté de se développer et ne s'arrêteront pas après un premier succès. Exploiter une excellente fusée pendant plus de cinquante ans, c'est dans la culture des Russes, pas dans celle des start-up occidentales.
Alors que fera Rocket Lab après Electron ?
SpaceX et Blue Origin dévoilent leurs projets les plus stratégiques assez longtemps à l'avance. Peter Beck, qui est passé par SpaceX avant de fonder Rocket Lab en 2006, n'a pas encore fait de même. Peut-être parce que son plan stratégique de très long terme n'est pas de même nature.
SpaceX et Blue Origin mènent la course en tête. Elles ont annoncé des projets qui seraient réalisés par développement interne (BFR/BFS, New Glenn, New Armstrong). Cela peut se dire à l'avance, et cela doit même être dit, pour susciter la confiance, faire venir les salariés, les capitaux et les clients.
Le silence de Peter Beck s'explique peut-être parce que Rocket Lab a pour stratégie de réaliser des acquisitions quand elle en aura les moyens financiers. Et ça, ça ne se raconte pas à l'avance.
Si, comme je l'écrivais plus haut, il y a des morts, il y aura des dépouilles à récupérer. Des technologies, des hommes, de l'expérience, qui pourront être mis au service de nouveaux projets de Rocket Lab.
C'est peu après de telles acquisitions que Rocket Lab nous dira quelle est l'étape 2 pour elle.
On peut se laisser aller à imaginer beaucoup de choses à propos de Rocket Lab. Mais sans aucun élément pour étayer...
Pour l'instant, je ne dirais pas que Blue Origin fait aussi la course en tête. Ils n'ont encore lancé aucun satellite...
David L.- Modérateur
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David L a écrit:PierredeSedna
Le New Space, sommairement, est un terme désignant la réorganisation de l'activité spatiale qui s'est amorcée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, lorsque dans le contexte de la crise financière et des déboires de la navette spatiale, l'administration américaine a décidé que la NASA prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées, dont les dirigeants sont souvent issus du monde de l'informatique, et dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA.
C'est doublement faux.
1. Le contexte de la crise financière de 2008 n'a joué strictement aucun rôle. C'est uniquement la décision (annoncée début 2004) d'arrêter la navette spatiale à l'horizon 2010 qui a provoqué le lancement du programme COTS, dont les contrats ont été attribués bien avant la crise financière.
Dans deux posts ci-dessus, j'ai indiqué pour quelles raisons cette objection surprenante ne correspondait pas à la réalité historique, qui est que les tensions financières étaient déjà très fortes dès les années qui ont suivi le déclenchement de la ruineuse guerre d'Irak par les Américains, c'est-à-dire depuis 2003, et qu'elles n'ont cessé de s'accentuer pour aboutir à la crise de 2007-2008.
La contrainte financière a joué un rôle essentiel dans la décision de recourir, pour la desserte de la station spatiale internationale, à ce nouveau mode de relation entre la NASA et les opérateurs privés, qu'est le partenariat public-privé, à la place des marchés publics.
Les contrats COTS ont été signés, notamment avec SpaceX, en 2006.
Mais ils ne réglaient pas définitivement la question de l'avenir du transport de fret et d'équipage vers l'ISS.
Voici un extrait très éclairant d'un discours prononcé par Mike Griffin, administrateur de la NASA, le 20 octobre 2006 :
I'll risk repeating myself to ensure that everyone fully understands how serious NASA takes the COTS demonstrations: if these commercial service capabilities are successfully demonstrated and cost-effective, NASA will welcome and use them. That is our default strategy for ISS re-supply. Most of you will probably agree that meeting or beating the government's cost to provide space transportation services shouldn't be too difficult for private industry to do. I hope you are right. I want these demonstrations to succeed; however, my wanting it won't make it so. If these capabilities are not successfully demonstrated, then NASA's fall-back position is to rely on the Orion Crew Exploration Vehicle or international partner cargo and crew service capabilities for ISS logistics support.
En substance, Griffin dit qu'il va jouer le jeu de COTS, mais il porte des appréciations nuancées sur les chances de réussite de ce programme, et il n'hésite pas à dire qu'en cas de difficulté, il défendrait une solution de repli, consistant à s'appuyer sur les cargos des partenaires non américains de l'ISS, et sur le véhicule Orion !!
A cette époque, la NASA s'inscrivait toujours dans le cadre du projet Constellation. Orion, dans sa version Constellation, était destiné à des vols lunaires, mais pouvait aussi être utilisé, si ce programme aboutissait, pour desservir l'ISS.
Mais, souvenons-nous : après avoir été élu, le président Obama a demandé en mai 2009 à la Commission Augustine d'examiner les conséquences du retrait de la navette spatiale américaine sur le programme de l'ISS et d'effectuer une revue du programme Constellation.
La Commission Augustine rend son rapport en octobre 2009. Dans le contexte de l'après-crise financière, donc, elle dit que la feuille de route de la NASA, incluant la desserte et l'exploitation de l'ISS, ainsi que le projet Constellation, n'est budgétairement pas soutenable : le budget sur lequel la NASA peut désormais compter chaque année est inférieur de trois milliards de dollars à ce qui serait nécessaire pour tenir le rythme fixé par le précédent président, Georges Bush.
Point essentiel, la Commission Augustine, après avoir remis en question Constellation, mais sans aller jusqu'à supprimer toute perspective d'aller au-delà des orbites basses, recommande à la NASA de s'appuyer de manière plus importante que ce qui était initialement prévu sur les opérateurs privés pour tout ce qui relève de la desserte de l'ISS : lanceurs, vaisseaux cargos et capsules habitées.
Ainsi soulagée, la NASA pourrait, pour ce qui la concerne, se concentrer sur les objectifs situés au-delà de l'orbite basse.
Donc cela, c'est le cap fixé à l'automne 2009.
C'est ainsi que l'on est progressivement passé de COTS à CRS, CCDev et Commercial Crew Program (CCP).
Ces faits que chacun peut vérifier en consultant le rapport Augustine, montrent bien que les partenariats publics privés :
- ont été lancés en 2006 timidement, avec des réticences (inspirées en partie par la malveillance du lobby du Old Space), des doutes, ce choix fait à contre-coeur s'expliquant déjà par des raisons financières,
- et que le contexte de l'après crise des subprimes a conduit à donner à cette politique des partenariats public - privé une nouvelle ampleur.
CQFD
J'ai déjà répondu à cette remarque, en expliquant que l'appui pris par la NASA sur une nouvelle génération d'entreprises privées s'inscrivait dans le cadre d'une démarche d'appel à de nouveaux entrants sur le marché, non pas pour tuer les entreprises qui y étaient déjà, mais pour assurer un meilleur jeu concurrentiel global. Démarche classique que l'on observe dans les politiques publiques de nombreux Etats en Europe et en Amérique.David L. a écrit:2. L'administration américaine n'a pas décidé que la NASA "prendrait appui sur une nouvelle génération d'entreprises privées [...] dont les modèles économiques sont différents de ceux des fournisseurs traditionnels de la NASA" ! La NASA a lancé un appel d'offres pour des services de desserte de l'ISS, peu importe la philosophie des postulants !
Bien entendu, ai-je souligné, il ne saurait y avoir le moindre soupçon de partialité et de discrimination dans l'attribution des partenariats public - privé. De toute façon toutes ces attributions s'effectuent sous le contrôle des juges ! C'est pourquoi SpaceX n'a pas été la seule à rentrer dans ce dispositif (cf. notamment Orbital ATK pour Cygnus dans le cadre de CRS, et CST-100 Starliner de Boeing dans le cadre de CCDev et CCP). Les entreprises du Old Space n'ont donc pas été oubliées. Mais sans les entreprises de la vague du New Space (y compris Sierra Nevada avec son Dream Chaser) la configuration oligopolistique du secteur spatial américain canal historique, si j'ose dire, aurait été un obstacle insurmontable à la mise en place de partenariats public-privé efficaces faisant baisser les prix et facilitant l'innovation.
S'agissant du changement de modèle économique, il n'a certes pas été un critère de l'attribution des contrats de partenariat public - privé, mais il a été la conséquence de ces contrats. Il fallait également pour cela qu'au moins une partie des titulaires de ces contrats de partenariat ait la volonté de s'emparer des possibilités d'autonomie qu'ils offraient, ainsi que des possibilités de synergie avec d'autres activités spatiales qu'il fallait par conséquent développer à côté.
Sur la démarche pro active de l'administration américaine de l'époque vis-à-vis des entreprises du New Space, je souhaite vous faire lire un autre passage du discours de Mike Griffin du 20 octobre 2006 :
It should be no surprise to anyone here that in my first few weeks as NASA Administrator, I met with Burt Rutan, Elon Musk, Bob Bigelow, and other space entrepreneurs to hear their ideas, or that I want a healthy, pragmatic dialogue between NASA and the commercial and entrepreneurial space community. Several people on my senior management team, including Shana Dale, Rex Geveden, Scott Pace, Pete Worden, Bill Claybaugh, Chris Shank, and numerous others are intimately familiar with the concerns of the commercial space community
Je résume : dès mes premières semaines en tant qu'administrateur de la NASA, dit Mike Griffin, je suis allé rencontrer Burt Rutan, Elon Musk, Bob Bigelow et mes collaborateurs sont familiarisés avec les préoccupations des entreprises qu'ils représentent.
Voilà des documents intéressants qui confirment ce que j'écrivais sur les conditions dans lesquelles le New Space a émergé.
PierredeSedna- Donateur
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PierredeSedna a écrit:David L. a écrit:
Que la crise financière soit prise en compte sur la période 2007-2008 ou seulement à l'automne 2008, dans les deux cas le programme COTS est antérieur.
Si l'on considère la situation budgétaire de l'état fédéral américain, alors le terme de crise n'est plus adapté car cette situation se reproduit régulièrement depuis très longtemps.
L'essor de SpaceX a été favorisé par les contrats COTS et CRS, donc par la destruction de Columbia, pas par la situation financière de l'état fédéral américain.
Je le répète, la guerre d'Irak, qui a considérablement accentué les difficultés budgétaires américaines, a commencé en 2003. Columbia a également été détruite en 2003 et la réflexion sur les conséquences de cette catastrophe a pris quelque temps encore.
Ce n'est pas de gaité de cœur que les Etats-Unis ont décidé ensuite de mettre fin au programme de la navette spatiale, sans le remplacer par un programme permettant rapidement la reprise de la mise sur orbite d'équipages américains par des moyens indépendants.
Dans les années 1990, bien que le mur de Berlin soit déjà tombé, se retrouver ainsi dans la dépendance des Russes aurait été impensable.
Les Américains se sont résignés à cette situation humiliante parce qu'ils y étaient contraints et forcés par la situation financière, et parce qu'après des difficultés techniques, le programme X33 de démonstrateur de navette monoétage a été abandonné sans suite en 2001, après que la NASA y ait englouti près d'un milliard de dollars.
Cette même cause financière a eu un second effet : malgré la puissance des lobbies du old space, qui auraient bien voulu continuer à se gaver de fonds publics avec les marchés traditionnels de la NASA, l'Etat fédéral a décidé de mettre en place les partenariats publics-privés, afin de faire des économies et d'accélérer l'innovation.
Crois-moi, remettre en question ce système de marchés publics de la NASA, ça a été presque plus difficile politiquement que tomber sous la coupe des Russes pour le transfert d'équipages.
La force du conservatisme des trusts américains est terrifiante. Mais l'Etat fédéral est allé jusqu'au bout parce que dans le contexte financier contraint, la seule alternative aurait été d'abandonner l'ISS et les vols habités.
Ces premiers partenariats public - privé de la NASA ont eu pour nom COTS et CRS. Et Space X a été l'une des entreprises bénéficiaires de ces partenariats, qui lui ont permis de franchir des étapes essentielles de son développement et d'arriver là où elle est aujourd'hui.
Aujourd'hui, la situation financière des Etats-Unis est toujours difficile, mais grâce à l'administration Obama, la croissance a repris. L'administration Trump, malgré sa gestion erratique, m'a pas encore cassé cette croissance. Mais avec la guerre commerciale lancée par Trump, le pire est à craindre.
Dans tous les cas de figure, le dispositif des partenariats-publics privés de la NASA me paraît irréversible. La NASA y aura recours pour ses prochains programmes. Ou alors, elle se suicidera.
Encore une fois, l'arrêt de la navette n'a pas pu être motivé par la situation du budget américain car les économies produites par son arrêt (annoncé début 2004 et programmé alors pour 2010) ne pouvaient pas se concrétiser... avant 6 ans !
La motivation était essentiellement la peur d'une troisième perte d'équipage. Il suffit de se rappeler de la psychose durant la mission de retour en vol, de l'écart entre ce vol et le suivant, et de l'annulation de la dernière mission de maintenance d'Hubble...
De plus, Bush a dépensé durant la même période plusieurs milliards de dollars pour déployer les intercepteurs du programme GMD alors que les essais dans des conditions pourtant favorables n'avaient été guère concluants. Donc pour la volonté impérieuse de Bush de faire des économies budgétaires, on repassera.
Autre fait qui ne colle pas avec une volonté de faire des économies : si tel avait été le cas, le programme Constellation n'aurait jamais été lancé et financé (même s'il l'a été insuffisamment par rapport aux objectifs annoncés).
David L.- Modérateur
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David L. a écrit:Encore une fois, l'arrêt de la navette n'a pas pu être motivé par la situation du budget américain car les économies produites par son arrêt (annoncé début 2004 et programmé alors pour 2010) ne pouvaient pas se concrétiser... avant 6 ans !
La motivation était essentiellement la peur d'une troisième perte d'équipage. Il suffit de se rappeler de la psychose durant la mission de retour en vol, de l'écart entre ce vol et le suivant, et de l'annulation de la dernière mission de maintenance d'Hubble...
De plus, Bush a dépensé durant la même période plusieurs milliards de dollars pour déployer les intercepteurs du programme GMD alors que les essais dans des conditions pourtant favorables n'avaient été guère concluants. Donc pour la volonté impérieuse de Bush de faire des économies budgétaires, on repassera.
Autre fait qui ne colle pas avec une volonté de faire des économies : si tel avait été le cas, le programme Constellation n'aurait jamais été lancé et financé (même s'il l'a été insuffisamment par rapport aux objectifs annoncés).
Ne changeons pas l'objet du débat. La question était de savoir quelle avait été la part de la contrainte financière dans le basculement vers le cadre juridique du partenariat public-privé.
La question des motifs de l'arrêt de la navette spatiale est différente. Incontestablement, les préoccupations de sécurité ont été déterminantes dans cet arrêt du programme des navettes spatiales. Je suis d'accord avec toi.
Je peste dans mes posts sur d'autres fils contre le coût exorbitant de cette navette, mais ça, c'est mon opinion personnelle, c'est encore un sujet différent. Cela n'a rien à voir avec l'analyse des motivations des décideurs d'une époque donnée.
Il faut d'autant moins faire l'amalgame entre le sujet de l'arrêt de la navette et celui de l'adoption des partenariats publics - privés que même si les deux décisions sont à peu près concomitantes et si elles sont logiquement liées, cette relation ne doit pas être isolée du troisième terme de l'équation financière, qui est le lancement du programme Constellation en 2004.
L'arrêt de la navette spatiale soulevait en effet deux questions distinctes :
- quel moyen de substitution pour la desserte de l'ISS ?
- quelle ambition spatiale pour l'Amérique, qui, une fois achevé l'assemblage de l'ISS, ne pouvait se contenter simplement de l'exploiter.
La réponse à la 2ème question a été "la Lune" avec Constellation annoncé début 2004. Mais si, dans le cadre de Constellation, il y avait bien un projet de cabine Orion, ce projet n'était pas adapté pour la desserte de l'ISS, donc pour la réponse à la 1ère question.
En effet il y avait deux objections :
- le calendrier : il y avait un gap entre la fin de la navette et l'arrivée d'Orion ;
- les caractéristiques d'Orion, conçu pour l'espace lointain, et donc très onéreux pour des vols récurrents vers l'orbite terrestre basse.
Dès lors, il fallait inventer quelque chose pour la desserte de l'ISS, mais le faire au moindre coût, car le retour à la Lune, c'était quelque chose de très coûteux, même pour un président dépensier comme Bush. D'autant qu'il y avait la guerre d'Irak, l'endettement croissant de l'Amérique, etc.
Par ailleurs, comme les programmes pèsent sur les budgets bien avant les premiers lancements, il fallait se préparer à supporter, sur les exercices 2005-2010, tout à la fois l'exploitation de la navette, les débuts de Constellation, et la préparation de la solution de desserte de l'ISS après la fin de la navette.
Le lobby du New Space, déjà structuré, mettait en garde les décideurs contre l'adoption d'un programme supplémentaire de type traditionnel pour la desserte de l'ISS.
La NASA rêvait depuis longtemps à son projet de navette de 2ème génération. Mais après l'échec technique du projet de démonstrateur X33 en 2001, et l'engloutissement dans ce projet de près d'un milliard de dollars, cette porte était fermée.
Donc, l'idée est venue d'avoir recours à des cabines low cost pour le fret, et de s'appuyer sur les Russes pour le transfert d'équipages, au moins un certain temps.
Mais cabines low cost, cela impliquait de basculer dans des partenariats public privé responsabilisant les opérateurs sélectionnés afin qu'ils aient intérêt à réduire leurs propres coûts.
C'est ainsi que la NASA s'est engagée, plutôt à reculons, dans la définition d'un cadre de partenariat public - privé qui lui faisait perdre du pouvoir et qui irritait ses fournisseurs de toujours.
Donc, il y a bien eu une contrainte financière dès le départ, en sachant que la NASA était un peu schizophrène, comme je l'ai montré dans mon post précédent, et n'excluait pas de remettre Orion dans le jeu de la desserte de l'ISS.
Puis c'est la 2ème étape évoquée dans mon mail précédent : Orion, en 2009, est renvoyée aux calendes grecques, et il n'y a pas d'autre possibilité que de donner plus d'ampleur aux partenariats public - privé pour la desserte de l'ISS, comme le recommande très explicitement le rapport Augustine.
C'est donc en 2009, après la crise financière, que l'étau budgétaire s'est le plus resserré, contraignant la NASA à aller plus loin dans les partenariats public- privé que ce qui avait été envisagé en 2006, époque de la signature des partenariats COTS, époque où l'on comptait encore plus ou moins sur Orion pour la desserte de l'ISS.
C'est répété de manière très explicite dans le rapport Augustine de 2009 : la part de la contrainte financière dans le basculement progressif vers le cadre juridique du partenariat public-privé a donc été considérable.
PierredeSedna- Donateur
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PierredeSedna a écrit:...
Mais pour revenir au New Space, c'est un processus qui a sa logique globale, unissant trois composantes : d'abord et avant tout un nouveau cadre juridique pour la relation entre la NASA et des opérateurs spatiaux, deuxièmement l'arrivée de nouveaux acteurs pour changer le jeu concurrentiel global sur les marchés du spatial, et troisièmement en conséquence de cela, de nouveaux modèles économiques (à terme, pour tous, y compris si possible Boeing et tous ceux que j'ai cités), rendant possible une accélération de l'innovation ainsi qu'une plus grande cohérence stratégique dans la durée, du fait de l'autonomie plus grande des opérateurs privés.
Merci PierredeSedna, j'ai lu avec attention vos posts qui m'ont éclairés.
Toutefois, à plusieurs reprises vous indiquez que le new space amène de "l'innovation".
Pouvez vous m'indiquer quelles innovations le new space apporte ?
1. Comme je l'ai indiqué dans un de mes posts précédents l'atterrissage vertical des lanceurs a été initié par le gouvernement américain via le delta clipper.
2. Les concepts des "nouvelles" entreprises reprennent que des vieux concepts :
- capsule type apollo ou soyuz
- navette corps portant de type HL-10 ou BOR
Pour être juste, est apparu les "boosters" intégrés au dragon pour l'éjection et l'atterrissage (refusé par la NASA),
et de nombreuses évolutions techniques plus discrètes.
Mais depuis les années 70 (date du concept de la navette spatiale), cela me semble que des évolutions logiques.
vp- Messages : 4557
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