Hayabusa2015 a écrit:Moi, ils me fatiguent tous ces youtubers-videastes qui font des sujets qui sont pris ensuite comme référence alors qu'ils ne font que compiler des infos dans leur salon sans se déplacer ou rencontrer les principaux intéressés. Rien contre lui personnellement, mais cela devient de plus en plus récurrent de les voir comme références. Certains se sentent même conférencier, animateur, etc...
Je comprends en partie cette opinion, qui peut s'appuyer sur l'expérience que chacun peut avoir du style un peu agressif ou arrogant de certains Youtubers anglosaxons. Et c'est vrai que cette technologie, ce type de média, peut donner de la notoriété à des incompétents qui s'autoproclament porte-paroles d'une cause ou détenteurs d'une vérité sur un sujet. Cela étant, s'agissant du travail d'Hugo Lisoir, contrairement à ce qui a été le cas dans d'autres discussions, je ne vous rejoins pas complètement.
Hugo Lisoir ne me semble pas mériter d'être amalgamé aux Youtubeurs médiocres que vous dénoncez. Vous le reconnaissez d'ailleurs en partie. Cela étant, le terme de "compilation" que vous utilisez est péjoratif et en l'espèce pourrait fonctionner comme "un concept-écran" qui ferme les portes au lieu de dégager une méthode. Sur le fond, ce qui donne de la valeur à une production (écrite, audiovisuelle, etc.), ce n'est certes pas simplement qu'elle s'appuie sur de nombreuses sources, c'est que les matériaux issus de ces sources soient classés, recombinés, qu'ils fassent l'objet d'une évaluation critique, qu'ils soient triés et finalement métabolisés dans une réflexion originale qui les dépasse. Nous sommes certes tous d'accord là-dessus dans le principe, mais mon opinion en l'espèce est qu'Hugo Lisoir, dans la limite de temps qu'il s'est donnée, a bien respecté ce "cahier des charges".
L'information brute dans notre monde est abondante, mais cacophonique et engendre la pauvreté intellectuelle ainsi que les fake news. De surcroît le monde de l'expertise scientifique, technologique ou industrielle est structuré par les intérêts de carrière, les corporatismes qui déforment les analyses, et par des expériences trop spécialisées qui déconnectent de l'observation des processus globaux sans la compréhension desquels rien ne peut devenir intelligible. Je me méfie beaucoup des experts, car il s'avère à l'expérience que leur vision trop étroite leur fait commettre de nombreuses erreurs, y compris dans les domaines dont ils sont censés être les spécialistes. La formule de Clémenceau " La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires" peut être généralisée à beaucoup de domaines.
Le sage Edgar Morin, qui a quasiment cent ans, a décrit tout cela de manière très claire : le savoir compartimenté, c'est la science sans conscience et c'est donc la ruine de l'âme, comme disait Rabelais. Donc, si le post auquel je réagis conduisait à préconiser le remplacement des Youtubeurs tels qu'Hugo Lisoir par des conférences grand public faites par des experts institutionnels, par exemple par des pontes qui souvent d'ailleurs doivent en partie leurs titres universitaires aux retours d'ascenseur permis par la gestion des carrières de chercheurs dans les espaces consanguins des sections du CNU, ce ne serait pas forcément un progrès.
Il y a bien sûr de grands scientifiques, de grands industriels, qui ont l'ouverture d'esprit qui leur permet, indépendamment de leur excellence dans leur domaine d'origine, de dire des choses importantes sur de vastes sujets. Ce sont de rares individualités, qui nous illuminent, mais qui sont éphémères. André Brahic, Albert Ducrocq, Hubert Curien et quelques autres sont morts et ne peuvent pas être remplacés. Il faut donc laisser ouvert un espace d'expression à des gens qui n'ont pas forcément des doctorats d'Etat, mais qui travaillent honnêtement à partir de sources recoupées pour présenter de manière simple mais rigoureuse une problématique. Bref, qui font dans le temps dont ils disposent des synthèses intelligentes mettant les projecteurs sur les points qui comptent. Je pourrais parfaitement faire une analyse de la vidéo d'Hugo Lisoir pour illustrer cela. De la masse d'information disponible, il a su extraire des faits, des situations, des contraintes qui ont une portée et qui pèsent dans les chaînes causales dont sera en partie issu le monde de demain. Les conclusions de la vidéo sont banales, mais l'argumentation qui les sous-tend est originale et stimulante. Le public moyen aura les idées plus claires après avoir visionné cette vidéo.
Ensuite, bien sûr, on peut aller plus loin sur le sujet, et l'écrit permet évidemment mieux que l'image d'affiner les analyses. Les deux sont d'ailleurs complémentaires. Mais les vidéos de YouTube ont un plus large public que les écrits.
Quel contraste, également, avec les âneries que l'on peut entendre à la télévision, ou lire dans la presse écrite, y compris celle que l'on dit sérieuse, et même dans la presse de vulgarisation scientifique et technique où l'on trouve parfois des articles curieux faisant douter de la culture scientifique de base de leurs auteurs.
Quant à l'idée qu'aller rencontrer les gens sur le terrain serait une formule magique pour accéder à la vraie connaissance, cette idée-là, sans être fausse, n'est pas une panacée. Je me souviens de ces rapports établis par des équipes de jeunes gens des grandes écoles, rapports d'une centaine de pages, et néanmoins parfaitement creux, avec, sur les cent pages, soixante, en annexe, pour la liste des personnes rencontrées.
A condition de le faire avec discernement, et d'avoir par ailleurs une expérience de la vie, on peut exploiter beaucoup de sources d'information dans les bibliothèques et même sur internet. Cela ne suffit pas pour aller au bout de l'exploration d'un sujet, certes, mais cela permet d'aller déjà assez loin.
Une voie d'expression modeste mais utile de l'idéal humaniste de large diffusion de la connaissance et d'invitation à la réflexion au XXIème siècle, c'est l'élaboration de vidéos telles que celle d'Hugo Lisoir, qui mettent en perspective différentes informations et qui dégagent des conclusions, en tirant de multiples fils qui donnent la possibilité à l'auditeur de poursuivre seul sa recherche et de se construire sa propre opinion.
Bref, pour me résumer, je comprends votre post d'humeur, mais il ne me semble pas arrivé au bon moment !
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