Space Opera a écrit:En général dans ce coût on ajoute le prix de l'ingénierie de la conception et des évolutions. Ça dépend beaucoup des modes de financement mais on attend d'un lanceur non pas qu'il se rembourse mais qu'il rembourse ce qu'il a coûté aussi. C'est la même chose avec les avions mais répartis sur plus d'exemplaires.
La question de la R&D me semble plus complexe à déterminer que la seule question comptable de l'investissement dans le projet en question. Surtout en matière de haute technologie, lieu idéal d'expérimentation qui peut par la suite diffuser vers d'autres domaines plus «bankables». Si je reprends un exemple dans l'aéro sur des séries industrielles proches du spatial on peut remarquer que l'investissement dans un projet tel que le Rafale permet à une entreprise comme Thalès d’acquérir ou d'exercer un savoir faire qu'elle pourra faire valoir par ailleurs.
Il est évident que le coût d'investissement dans le réutilisable n'est certainement pas négligeable mais une vision trop statique me semble tout aussi erronée que celle qui nierait l'importance de cet investissement.
L'administration américaine s'est dotée d'outils de réflexions quant au ciblage de technologies clés en amont au travers de son « Advocacy Policy » http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=GEOEC_056_0071 et favorise une véritable diplomatie économique en aval dont l'affaire GE-Alstom est le dernier avatar. La même démarche est quasiment absente en France et même en Europe, même à titre purement défensif o'u, à mon sens, on ne prend pas vraiment conscience de l'ampleur et de l'intensité de cette guerre techno-économique. Alors que dès le début des années 90, soit dès la chute de l'URSS, cela a été très clair aux yeux des Américains ; officiellement l' « Advocacy Policy » c'est 1993.
Reste à anticiper les domaines de recherche et d'industrialisation qui pourraient bénéficier des retombées de cette R&D dans un étage réutilisable pour amoindrir, au moins psychologiquement, l'impact immédiat d'un tel investissement. Je ne sais pas si Space X a communiqué à ce sujet
En ce sens je partage l'opinion de Lunar Jojo :
Lunar Jojo a écrit:Ces supputations sur les gains me paraissent très théoriques, puisque chacun sait que chaque lancement est subventionné. Autrement dit, une approche économique classique est à proscrire. En revanche, les choix politiques du pays du lanceur seront déterminants.
C'est avant tout une décision politique. Même s'il est souhaitable de vouloir dissiper le brouillard qui règne autour de cette question de rentabilité comme le propose lambda0, je ne suis pas sûr que l'on arrive à y voir beaucoup plus clair notamment en ce qui concerne les termes n et R.
Lambda0 a écrit:Lanceur consommable :
C1 = L1 + P + I
L1 : coût du lanceur, fabrication et amortissement R&D
P : coût des propergols et autres matières consommables
I : coût du service de lancement (personnel, entretien et amortissement des installations, etc.)
Lanceur SpaceX récupérable :
C2 = L2/n + g*P + I + R
R : coût de récupération/reconditionnement, amortissement installations, etc.
n : nombre de réutilisation du lanceur
g : fraction de propergol à emporter en plus pour assurer la récupération
On forme k = C1/C2, gain théorique
Pour C1 normalisé à 1, prenons : P=0.003, I=0.097, L1=0.9
En version consommable, le lanceur représenterait 90% du coût du lancement (je rappelle que je ne connais pas I, je donne une valeur un peu arbitraire)
L2 = 2 (arbitraire mais raisonnable)
g = 1.2 (idem)
Cas 1 : voyons ce que celà donne aux limites : n->infini, R=0
k = 1/(g*P + I) = 1/(1.2*0.003 + 0.097) = 9.94
Interprétation: à coût de récupération nul, et pour un lanceur de durée de vie infinie, le coût est divisé par environ 10 par rapport au consommable.
Le coût du propergol est négligeable devant I.
Cas 2 : moins idéalisé, posons n=50, R=0.1
k = 1/(2/50 + 1.2*0.003 + 0.097 + 0.1) = 4.1
Interprétation : si la lanceur peut voler 50 fois avant d'être envoyé à la casse, le coût est divisé par 4 par rapport au consommable, pour la valeur de R retenue.
Cas 3 : n=20, R=0.2, la récupération/reconditionnement est en fait assez couteux
k = 1/(1/10 + 1.2*0.003 + 0.097 + 0.2) = 2.5
Le coût est divisé par 2.5. C'est toujours intéressant, mais déjà moins spectaculaire
Il n'est même pas sûr que SpaceX le sache puisque, par définition, c'est un domaine encore largement inexploré. On peut simplement constater que le réutilisable est le coeur conceptuel de leur projet. L’architecture du lanceur, de par la redondance des moteurs, me semble déjà avantageux dans cette optique. De ce fait ils s'engagent sur ce chemin parsemé d’embûches avec déjà des prérequis adéquats.
Les accusations de fraude me semble un combat d'arrière garde. Imaginer que le complexe militaro industriel US stoppe SpaceX c'est quelque part aussi prendre ses désirs pour des réalités. Si SpaceX est à même de fragiliser le secteur des lanceurs européens, logiquement une place sera trouvée pour Space X dans ce même complexe. Je ferais plutôt confiance à la réactivité du capital US à ce sujet. LM et Boeing auront assez de tune à ce faire avec les aéronefs militaires et armements divers pour compenser. Il serait d'ailleurs intéressant d'observer la stratégie de la Nasa à ce sujet. Car SpaceX peut être pour elle un moyen de desserrer l’étreinte des deux poids lourds histoire de redynamiser le secteur et retrouver des marges de manœuvre. À ce titre cela peut être instructif pour l'ESA pour faire contrepoids à l'association Airbus-Safran.