verbatim a écrit: ...Mais sans un "moteur" de ce type (économique et/industriel) , il y a fort à parier qu'on restera encore un moment en LEO à regarder du coin de l’œil les fous qui osent regarder plus haut.
Le très intéressant discours plus haut m'interpelle sur un point: Space X construit un outil, pas une finalité.
Astro-notes ...Dans ce jeux privé public la partie n'est jamais définitivement finie.
Absolument.
Et la tâche est gigantesque, tout le monde en conviendra.
Et des critiques, très raisonnables dans leur principe, pointent le doute que l’on peut avoir sur ce qu’une société privée comme SpaceX ait financièrement les moyens d’aller jusqu’au bout de l’aventure. Et ceci pour seulement le développement d’un « moyen » (d’accès à l’espace non pas seulement orbital mais réellement interplanétaire). La capacité technique de SpaceX à réussir fait (un peu) moins débat, même s’il ne faudrait pas que ses COPV s’enrhument trop souvent. SpaceX peut-elle financer cela seulement sur les revenus de lancements GTO vendus à prix cassés et/ou sur la cassette personnelle d’un homme, certes très riche, mais pas infiniment riche ? A combien de crash(s) de booster (à 42 Raptor chacun…) SpaceX pourra-t-elle survivre durant les tests ?
Elon Musk, le communicateur, a cependant donné à son discours une orientation différente : pendant qu’il nous présentait un moyen, il a beaucoup parlé de la « finalité », le « but de sa vie » comme il le décrit, c’est-à-dire la colonisation humaine de la planète Mars. Il en a parlé mais n’en a en fait rien dit de concret. Or les problèmes associés à la colonisation de Mars sont de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux qu’il faut résoudre pour réussir la rupture technologique que constituera la mise au point du booster et de sa navette ITS associé. La liste en est (presque) infinie : matériels de tous types (véhicules dont véhicules longue distance, équipement minier…), équipements (réseau GPS et de télécom autour de Mars), sociaux, médicaux (dont un jour la reproduction et quel futur pour ces enfants ? Voir « The Space Between Us »), politiques (gestion de la, puis des colonies, rapport avec la Terre), etc…
Cette incertitude sur la faisabilité financière et les errances apparentes du discours d’un homme que l’on présente généralement comme un communicateur hors pair m’intriguent, m’inquiètent même. J’ai essayé d’y trouver une logique et tout ce que j’ai pu produire est la construction (abracadabrantesque et limite conspirationiste…) présentée ci-dessous.
C’est l’état américain lui-même (et rien de moins…) qui est l’objectif, la « victime » potentielle de l’opération martienne d’Elon Musk.
[Ceux (forts nombreux et ils ont raison) qui trouvent mes posts trop longs peuvent arrêter la lecture à cette étape et commencer directement la discussion – No offense taken]
D’abord, SpaceX seule ne peut pas financièrement porter jusqu’à son terme (pendant quarante ans ou plus…) la colonisation de la planète Mars avec des centaines puis des milliers de colons. Of course not ! Considérer seulement le développement des technologies nécessaires à la colonisation (le support vie sur le sol de Mars, la mise au point d’une navette [le ITS] capable de réaliser une rentrée atmosphérique pilotée dans le contexte martien, la création et maintien de flottes de satellites telecom et GPS en orbite martienne, etc…) suffit pour voir que cela est totalement impossible. Sans parler - mais c’est une objection capitale - que SpaceX, colonisateur de Mars, deviendrait ainsi un quasi-concurrent des états (de d’abord du premier d’entre eux, c’est-à-dire les USA) et qu’une telle évolution ne peut que très mal finir pour le challenger…
Par contre ce que SpaceX peut faire, c’est :
- S’établir comme un acteur majeur du monde spatial (Flacon puis Falcon Heavy, Dragon 1 puis Dragon 2 puis Dragon 2 avec retour de précision sur la terre ferme) et se maintenir en vie financièrement. Pas trop facile parce que personne n’est heureux d’un concurrent qui vend moins cher que vous et vous force à rogner vos marges, d’où des critiques à la pelle… ;
- Imposer la technique du retour et réemploi des premiers étages et roder le processus jusqu’à ce que cela devienne littéralement « un coup de chiffon sur le pare-brise et le plein » avant de repartir. Pour cela, SpaceX a l’avantage de pouvoir à volonté analyser, déconstruire, décortiquer les étages qu’elle a commencé à récupérer pour en étudier le moindre début du commencement d’une micro-défaillance. SpaceX peut ainsi progresser vers une fiabilité parfaite ;
- Mettre au point le moteur Raptor (c’est 10 fois le Merlin de la Falcon 9). Pour cela SpaceX a un financement de l’US Air Force jusqu’en 2018. L’argent est donc là, la technique suivra-t-elle ?
Avec les trois points précédents, SpaceX fera voler son booster géant (performance : amener 2,500 tonnes à 2.5 km/s au moment du largage avant retour vers son pad de lancement et atterrissage avec une précision métrique) en lui appliquant les acquis des Falcon 9 et H et surtout en prouvera le réemploi pour réduire le cout marginal des lancements à –presque – le simple cout du carburant. Ici, pas de révolution technique, seulement l’extrapolation de ce que SpaceX fait (ou fera dans une paire d’années) tous les jours avec ses lanceurs de la gamme Falcon.
Puis établir les plans du ITS (Interplanetary Transport System), des plans crédibles parce que c’est SpaceX qui les trace (c’est-à-dire le constructeur des Falcon, du booster et du Dragon 2).
Et SpaceX n’a peut-être pas besoin d’aller au-delà de ça : montrer que l’on peut satelliser des masses dans la gamme des cinq cent tonnes pour – quasiment – le prix du carburant, de la même manière qu’une fois que vous vous êtes payé le Boeing 777, aller à Shanghai que coute plus que – quasiment – le prix du carburant, et montrer les plans (crédibles) du ITS.
Ensuite, c’est de la politique entre SpaceX, l’état US (ou plus exactement la classe politique) et l’opinion publique.
SpaceX peut mettre sur la table [campagne de presse et relais politique, voire même susciter et porter vers la Maison Blanche un(e) politicien(ne) avec ce truc-là dans son programme] un projet pour la nation US toute entière : coloniser Mars. Faire sortir les USA hors de la Terre et les projeter vers une « nouvelle frontière » à la fois incroyablement ambitieuse mais désormais à portée de main.
Pas y envoyer une fois un type planter un drapeau et en rapporter deux cent kilos de caillasses, mais coloniser, établir des colons par milliers, autonomes le plus possible, en adaptant ou développant les outils pour tirer de Mars tout ce qu’ils ont besoin (du carburant pour fusées à partir du CO2 et de l’eau, des minerais comme du cuivre ou de l’aluminium, de l’énergie solaire ou éolienne ; de la nourriture…). Les problèmes à surmonter sont énormes et multiples (voir ci-dessus) ? The more the better ! Tant mieux : chaque difficulté levée et surmontée accroitra l’avance scientifique et techniques des USA sur le reste du monde. Et que feront les autres nations quand il y aura disons trois mille colons américains installés sur Mars, commençant en en exploiter les ressources et à y faire naitre leurs premiers enfants ? Une plainte à l’ONU ? Et quinze ans plus tard, ils seront cent mille…
Ce projet, c’est faire échapper les USA au déclin de leur puissance face aux géants qui montent autour du Pacifique (Chine et Inde, des monstres ayant des milliards d’habitants alors que les USA c’est trois cent soixante millions), c’est trouver une ouverture, redonner un but national, canaliser les espérances et le dynamisme de tout un peuple pour redevenir ou continuer d’être la nation qui « fait la course en tête », s’échapper vers le haut, là où personne ne pourra les rejoindre, et prendre une irrésistible avance : coloniser Mars pour les USA !
Ce sont les USA qui payeront et pas SpaceX, mais SpaceX sera alors inévitablement au centre de tout. Notre ami Elon devra certes accepter d’évoluer encore et de passer l’état de vulgaire milliardaire à celui de… De… Plus grand américain depuis George Washington... ? Ou même de plus grand américain ever ?
Ce sont les USA qui payeront et ils peuvent le faire. Le budget actuel des USA est de l’ordre de 3.700 milliards d’USD annuels. Un prélèvement de 3% pendant 30 années (2025-2055) représente 3,000 milliards. C’est possible et bien moins cher qu’une guerre… (Rappel : la Guerre d’Irak, ce furent 1,700 milliards d’USD pour les USA sur une douzaine d’années). A 50 millions d’USD le tir du booster (et même à 100 millions mais ce sera peut-être seulement à 10 millions, car au rythme de 2 par jour, les prix vont s’effondrer) et 5 milliards l’unité le ITS (encore que pour une flotte de 200 machines, Boeing vous fera un bien meilleur prix que cela !) et un voyage aller en 6 mois (et même en 4 mois seulement au prix de 500m/s de DeltaV supplémentaire, chose possible si on a des tonnes en LEO pour pas trop cher), on peut mettre en place trois arrivées hebdomadaires de MCT sur Mars pour 1,000 milliards d’investissement et 70 milliards annuels (au niveau de 100 millions le tir du booster et si on escompte 4 lancement de booster par mission ITS pour ravitaillement en carburant des vaisseaux en orbite terrestre ou/et martienne).
C’est en fait seulement mon rêve bien perso et je ne prétends pas qu’Elon Musk m’ait fait des confidences… Mais il ne me semble pas si cinglé que cela. Il y a certes trois conditions techniques « dures » à remplir (Etablir et maintenir SpaceX en vie une dizaine d’années comme acteur majeur du spatial / Etablir le réemploi à bas coût des premiers étages des lanceurs / Mettre au point le Raptor). Si elles le sont, et aucune ne me semblent impossible ou même seulement très improbable (encore que la deuxième ne soit pas véritablement triviale…), alors SpaceX pourra mettre sur la table devant l’opinion publique US un truc « énorme ». Et crédible. To Make America Great Again ! Et qui sait alors si… ?