Vadrouille Lun 15 Oct 2018 - 21:54
Le CNES fait avec ses moyens limités et sous de nombreuses contraintes, en particulier la "surcouche" ESA, qui ne simplifie pas trop l'ensemble (mais dont je ne nie pas l'utilité, même si la gouvernance fait parfois débat).
Après, il faut reconnaître que les belles années du CNES se sont arrêtées avec M. d'Escatha, même s'il n'est pas le seul responsable et que le vent avait déjà tourné. Les années 90 (au sens large) avaient été riches, malgré l'abandon d'Hermès on avait un programme de vols habités ambitieux (Sur la période de 15 ans 1988-2003 il y a 14 vols français. Sur la période 2003-2018... seulement 2 :oops:), le développement d'Ariane 5 qui a été un vrai succès technologique et commercial, la série des satellites SPOT, la préparation avec l'ESA de missions d'exploration ambitieuses, Rosetta, Mars Express, et l'on pourrait même ajouter Cassini-Huygens même si se sont surtout les italiens qui ont été en première ligne.
Les années 2000 ont été une vaste période de vaches maigres. Le regroupement des beaucoup de financements directement accaparés par l'ESA n'a pas vraiment été suivi d'une amélioration notable du programme spatial européen. En fait, l'ESA donne l'impression de tourner à rendements d'échelle négatifs. Les différents acteurs se regardaient entre eux en espérant que l'autre mette la main à la poche.
Il y a aussi quelque chose qui m'a marqué dans son interview, lorsqu'il dit que comme la France est trop petite, elle ne pouvait pas mettre ses champions industriels en concurrence, comme aux Etats-Unis, et a choisi de constituer des monopoles nationaux performants et compétitif sur le marché mondial. En soit, ce qu'il dit est vrai dans les faits. Mais l'ennui, c'est que justement cette limite qui est vraie pour la France n'est pas censée l'être pour l'Europe. Aujourd'hui l'Europe toute entière, soit 500 millions d'habitants (ça doit être peu ou prou la même chose pour la somme des pays de l'ESA), se retrouve avec des monopoles supranationaux (coucou Airbus) qui, et c'est là le paradoxe, tout en étant performants sur le marché mondial (quoi que c'est vrai dans l'aviation civile... moins dans le spatial et le domaine militaire), sont devenus trop conservateurs et ont trop d'inertie pour anticiper les évolutions du marché, l'exemple d'Ariane 6 face à ses concurrents américains en est l'exemple flagrant. L'Europe pourrait être un marché bien assez vaste pour mettre en concurrence plusieurs groupes. A lieu de cela, elle n'a fait qu'uniformiser l'industrie.
Derrière cela, il y a aussi la question de la gouvernance : car dans un modèle à plusieurs entreprises, il aurait été probable que chacune ait une couleur nationale plus ou moins marquée, et que cela se ressente dans le choix d'attribuer les contrats à l'une ou l'autre d'entre elles. Ce n'est pas vraiment l'Europe qui fait les décisions. Il s'agit plus de consensus dans des réunions interministérielles où chacun cherche à maximiser l'empreinte industrielle dans son pays. La NASA ou le DoD américain n'ont pas ce problème à gérer.