MrFrame a écrit: PierredeSedna a écrit:
Il est vrai que l'enjeu financier de cette réutilisation, sans être nul, est assez limité.
Pas vraiment d'accord avec ça.
On sait qu'une demi coiffe coûte 3 M$ à fabriquer. Soit 6M la coiffe complète. Multiplié par une 20e de lancement dans l'année (probablement plus mais je me limite à 20 pour simplifier les calculs), ça fait un budget de 120M juste pour les coiffes.
La location à l'année d'un des bateaux était estimé à 1M$ ... on rajoute 1M (à l'année également) pour les frais d'opération.
Pour les frais de remise en état, on a aucune info, mais ça ne doit pas être énorme puisqu'il n'y a pas d'éléments complexes comme des moteurs ou des pièces d'usures.
Il y a donc quand même de grosses économies à faire à récupérer et réutiliser les coiffes.
Sans compter que le coté financier n'est pas le seul intérêt pour SpaceX pour récupérer et réutiliser les coiffes.
Il y a quelques années, E. Musk avait tweeté que le rythme de production des coiffes était l'un des goulets d'étranglement les empêchant d’augmenter significativement la cadence de tir. Avec la réutilisation, le problème est résolu.
Je pense que nos points de vue sont plus complémentaires que contradictoires.
Tout à fait d'accord pour dire que le côté financier n'était pas le seul intérêt pour SpaceX dans cette démarche. C'était d'ailleurs l'objet principal de mon post précédent.
Et je pense également comme vous que le procédé génère des économies. Simplement, il y a plusieurs manières de les calculer, et selon la méthode retenue, l'appréciation du bénéfice dégagé n'est pas la même.
Je ne sais pas si vos chiffres sont "à la louche" ou documentés. Ils sont plausibles, mais incomplets.
A défaut d'information plus documentée, je pars de vos chiffres : 1 million d'euros par an pour la location des bateaux (je crois avoir effectivement vu cela en divers endroits) et 1 million d'euros par an de "frais d'opération".
Je rappelle que ce second poste de dépenses regroupe trois aspects : le coût des opérations de récupération des coiffes en mer (qui ne se limite pas à la location des bateaux), le coût de remise en état en usine, mais aussi, il ne faut pas l'oublier, le surcoût initial de construction des coiffes pour qu'elles puissent effectuer la redescente contrôlée vers les navires.
Ce surcoût initial est d'autant plus facilement neutralisé que la coiffe est réutilisée de nombreuses fois. Mais il me semble que cette information n'est pas connue et j'ai tendance à penser que les coiffes n'ont pas fait l'objet de réutilisations nombreuses, comme c'est le cas pour les premiers étages de la Falcon 9.
Quel peut être exactement le coût de remise en état des coiffes ? Je ne sais pas, mais je présume qu'il n'est pas le même selon que la coiffe est tombée à l'eau, ou qu'elle a été récupérée dans le filet, selon que la mer était calme ou que l'atmosphère était chargée d'humidité voire d'embruns.
Ensuite, et c'est surtout là que mon point de vue complète le vôtre, c'est qu'il faut distinguer la rentabilité potentielle et la rentabilité réelle.
De votre côté, vous ne parlez que de rentabilité
potentielle, c'est-à-dire que vous ne parlez pas des coûts d'investissement dans cette nouvelle technologie. Or, la conception du système et surtout les premiers tests coûtent très cher.
Vous vous souvenez que pendant des années, les coiffes n'ont pas été récupérées, ou l'ont été en étant endommagées. Tout cela entre dans le calcul de la rentabilité
réelle et la dégrade fortement. Le procédé est maintenant au point, mais il ne l'a pas toujours été, et pendant cette longue étape les bateaux qui revenaient vides au port coûtaient cher sans rien rapporter.
Cette remarque serait sans grande portée si le destin de la Falcon 9 était celui de la Soyouz, c'est-à-dire une vie de plus de cinquante ans, je dirai presque une vie infinie. Plus la vie d'un système de transport spatial est longue, et plus on peut neutraliser dans le raisonnement d'évaluation de sa rentabilité le coût de l'investissement initial et le coût des inévitables échecs qui vont de pair. C'est ce que vous avez fait, et vous avez raison s'il s'agit de dire que SpaceX a mis au point un procédé dans l'absolu rentable. Donc, mille fois bravo à SpaceX. Mais il ne faut pas en déduire avec certitude que ce faisant, SpaceX a au total gagné de l'argent par rapport au scénario où elle ne se serait pas lancée dans la récupération des coiffes.
Ce serait oublier que la Falcon 9 va progressivement s'effacer pour laisser place au Starship, je dirai entre la fin 2021 et la fin de 2026. Une centaine de Falcon 1, 9 et Heavy ont déjà été tirées, mais ce procédé des coiffes ne bénéficiera qu'à la seconde centaine de tirs de Falcon 9 des 5 à 6 prochaines années. Au total, il n'y aura probablement pas plus de deux cents vols de Falcon, le Starship aux coûts bien inférieurs prenant le relai.
Le Starship n'a pas de coiffe. Les savoir-faire acquis par SpaceX avec la récupération des coiffes lui seront probablement utiles, mais de manière indirecte, par exemple, pour simuler numériquement des retours de Starship dans les atmosphères terrestre est martienne. C'est très différent, très indirect.
La récupération des coiffes est avant tout une démonstration de la formidable capacité de SpaceX à innover tous azimuts, et pas seulement pour faire des premiers étages récupérables, des capsules Crew Dragon, et des satellites low cost Starlink... Une démonstration à usage interne à l'entreprise, pour lui donner confiance en elle-même, en sa capacité à relever des défis de plus en plus exigeants ; et une démonstration à tous les partenaires de l'entreprise évidement, à ses actionnaires, ses financeurs, à l'Etat, aux clients...
Dernier élément inconnu, SpaceX va-t-elle faire breveter le procédé pour le revendre quand elle n'en aura plus besoin ? Si SpaceX trouve un client pour les brevets concernant la technologie de récupération des coiffes, le calcul de rentabilité globale sur l'ensemble de la durée de ce projet sera plus favorable.
Je serais Boeing ou Airbus ou Blue Origin, je chercherais alors à acheter les brevets de ce système quand SpaceX voudra le revendre, ce qui ne serait pas surprenant, car après tout, Elon Musk a bâti sa fortune de cette façon en revendant PayPal...