Maurice a écrit:Si ce test révèle un seul vrai problème c'est celui de la communication de SpaceX.
La destruction en elle-même du mk1 n'a aucune importance et ne remet pas en cause le fonctionnement profond des développements chez SpaceX, une soudure a lâché mais pour autant on sait très bien qu'ils savent souder.
Le vrai problème de cet échec c'est qu'à cause de la communication exubérante de certaines personnes nous expliquant que tout va bien, que tout est facile et que c'est comme si le Starship existait déjà dans l'état des performances et des coûts des jolies vidéos 3D et des interventions twitter, de nombreuses personnes étaient convaincues que tout se passerait sans incident et en sont maintenant perturbée au point d'être prêt à s'accrocher à n'importe quelle théorie débile allant jusqu'à se convaincre que la destruction était volontaire.
La réalité est que SpaceX pour développer son Starship va casser du matériel, tout comme ils ont cassés plusieurs fusées avant de réussir un atterrissage sur barge. Nous avons eu une destruction à l'assemblage à cause du vent, maintenant au test de remplissage, nous en aurons peut-être une en vol à cause de vibrations, peut-être une en rentrée atmosphérique à cause d'un défaut dans le bouclier, peut-être à l’atterrissage, etc etc ...
Mais jusqu'ici SpaceX a réussi à réagir aux différents incidents et je ne vois pas pourquoi il en serait autrement ici, il leur faudra juste du temps, du travail et si possible des fans qui s'excitent un peu moins en voyant des anti-spacex partout !
Je partage assez largement les opinions que vous développez dans le post ci-dessus, @Maurice, mais les reproches que vous adressez à la communication de SpaceX ne me semblent pas prendre en compte tous les termes de l’équation.
SpaceX n’est pas un État (avec des dirigeants tenus de rendre compte de manière objective à des électeurs), et si juridiquement c’est une entreprise, SpaceX peut aussi être considérée comme un acteur engagé au service d’une cause (c'est pour cela qu'elle ne peut pas être cotée en bourse et s'exposer au risque de tomber entre les mains d'un actionnaire principal ayant une autre vision).
La cause sur laquelle SpaceX est engagée est un projet de très long terme, rendre l’humanité multiplanétaire. Cette cause est une cause difficile, et pour ceux qui y adhèrent c’est une cause fondamentale dont l'enjeu est le sens de la vie et le devenir de l'espèce humaine. SpaceX n'est pas une association de promotion d'une activité futile comme la philatélie, les jeux de cartes, ou la chasse aux papillons !
Pour toutes sortes de raisons, l’exploration spatiale habitée patine depuis cinquante ans. S’affranchir de manière répétée de la gravitation terrestre et maintenir des hommes en vie dans l’espace lointain était
au siècle dernier beaucoup plus éloigné des technologies alors existantes qu’on ne l’imaginait. L'exploit d'Apollo, qui n'était pas renouvelable, avait engendré des illusions. C'est devenu évident lorsque les accidents de la navette spatiale et ses difficultés répétées ont conduit à son abandon.
Elon Musk, à l'aube du XXIème siècle, est néanmoins arrivé à la conclusion que la véritable conquête spatiale était néanmoins possible, à condition d'aborder le problème d’une autre façon que les acteurs en place, et de mobiliser de manière acharnée des hommes et des femmes adhérant à cette espérance d’une humanité multiplanétaire.
SpaceX est alors apparue. Du fait de sa nature hybride, mi entreprise, mi organisation dévouée à une cause, on peut la considérer comme une sorte d’OVNI sociétal. C'est ce qui explique que sa communication repose sur une relation paradoxale au temps : en tant qu’acteur engagé, SpaceX nous parle du très long terme, soit directement, soit en tant que toile de fond du très court terme ; mais en tant qu’entreprise, SpaceX communique d’abord en direction de ses équipes et de ses partenaires, avec des préoccupations opérationnelles, même lorsqu’elle diffuse des messages atteignant tous les publics.
Soyons plus précis : lorsqu'Elon Musk dit que le Starship fera un vol orbital dans six mois, il faut comprendre qu'il a donné consigne aux différentes équipes concernées par des sous-systèmes de cet engin d'avoir chacune achevé les tâches de son ressort dans ce délai. Il sait très bien qu'il y a un risque élevé que l'une, ou plusieurs, de ces équipes butent sur des problèmes insolubles à cet horizon. Mais il sait aussi que s'il donne au projet une marge de sécurité globale pour prendre en compte ces aléas, il risque de casser la mobilisation de ceux qui ont pourtant des chances de faire aboutir dans les temps leur part du travail.
Vous avez raison, @Maurice, de dire que la communication de SpaceX crée des malentendus, mais il faut en comprendre la raison : c'est une communication externe dans la forme mais très souvent interne dans l'intention.
Or, j'en conviens, la communication interne et la communication externe, par définition, relèvent de deux éthiques différentes : la communication externe devrait s'en tenir à l'objectivité de ce qui est à un moment donné, elle devrait respecter une éthique de vérité avérée, presque statique ; alors que la communication interne est une éthique de l'action, une éthique du mouvement ; son principe est "mobilisons-nous dans un état de l'âme et oublions tous les d'états d'âme, car notre cause est juste, et à long terme nous devons et nous pouvons gagner".
Si l'on considère, à tort, SpaceX comme un Etat ou comme une société cotée en Bourse, sa communication n'est pas dans les clous. Mais si on la considère comme l'OVNI sociétal qu'elle est, on peut accepter cette "communication de combat".
Je vais vous dire : le 6 juin 1944, la "communication" des adjudants américains qui exhortaient les soldats à se jeter dans les eaux sanglantes d'Omaha Beach ne devait pas être un modèle de respect de la vérité sur les chances de survie de ces malheureux. Mais sans elle, nous ne serions pas aujourd'hui des hommes libres dissertant sur la rigueur et la sincérité de la communication. De la même façon, la communication de SpaceX donne lieu à quelques bavures, mais dans un siècle, si tout s'est bien passé et si des dizaines de milliers de colons peuplent Mars, les calendriers non tenus d'Elon Musk pour tel ou tel prototype du passé n'empêcheront personne de dormir.